Cœur primal.
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Je n'aime pas la force. Vous forcez la main de votre peuple, et vous pensez pouvoir forcer tout le monde. Eh bien, je suis l'homme qui dit que vous ne pouvez pas.
Publié sous le titre de Rogue Male, plus spécifiquement dans un feuilleton du magazine Atlantic Monthly, Chasse à l'homme (Man Hunt) est la première adaptation de cette nouvelle qui sera adaptée de nouveau en 1976 par la BBC.
Si on tient compte de la filmographie de Fritz Lang, le film dont il est question ici s'inscrit dans une sorte de tétralogie (comprenez par là qu'il n'y a aucune continuité entre eux), étant son premier long ouvertement et indubitablement anti-nazi, précédant Les Bourreaux meurent aussi, Espions sur la Tamise et Cape et Poignard.
En termes de mise en scène, Chasse à l'homme n'est probablement pas le film le plus audacieux du réalisateur. Mis à part un plan en vue subjective au début du film et cette habilité qu'a le réalisateur à nous montrer, sans aucun son, comment le personnage principal, le Capitaine Thorndike (Walter Pidgeon), se montre hésitant à tirer sur l'abject Adolf, ce n'est pas pour cela que l'on retiendra le long-métrage.
Ce n'est pas non plus pour ses décors qui sonnent beaucoup trop faux, beaucoup trop le studio et l'Amérique, alors que l'action se déroule essentiellement à Londres, que l'on retiendra Chasse à l'homme.
Non ! Là où Fritz Lang frappe fort, c'est tout simplement dans le propos du film en lui-même, à ce qui a trait aux ambitions du réalisateur. Réalisé à une époque où les États-Unis n'étaient pas encore entrés en guerre, Man Hunt est surtout l'occasion pour le réalisateur de définitivement franchir la ligne, de définitivement passer de cinéaste avec des films au propos ambigu (Docteur Mabuse le joueur, Metropolis et tous les films coscénarisés avec l'abjecte Thea von Harbou), à cinéaste clairement anti-nazi. En fait, il faut même savoir que le long-métrage aurait dû être encore plus à charge contre les chemises brunes, le bonhomme ayant prévu à l'origine de montrer le personnage principal se faire torturer. En effet, si aujourd'hui voir du nazi se faire descendre dans un film ne choque plus personne (et nous donne même beaucoup de plaisir), à tel point qu'un Inglourious Basterds réalisé par Quentin Tarantino (qui sans surprise s'est inspiré de Man Hunt) se permet de finir dans un beau bain de sang, Chasse à l'homme sera sans surprise fortement critiqué par les traditionnels isolationnistes et la merdasse sympathisante nazie lors de sa sortie. En outre, le producteur et actionnaire majoritaire de la Fox, Darryl F. Zanuck se montrera inquiet par « l'antinazisme » de Lang, mais le film sera surtout pris pour cible par Joseph I. Breen, abject personnage (encore un !), alors dirigeant de la PCA (Production Code Administration), qui s'occupait alors de ce fameux outil de censure que fut le code Hays : censeur persuadé que les juifs étaient la cause de tous les problèmes d'Hollywood (des «scum of the scum of the earth ») et n'hésitant pas à combattre tout studio produisant des films antinazi ou antifasciste (surtout la Warner).
Si l'histoire qui entoure Man Hunt est prenante, le film l'est malheureusement beaucoup moins.
En effet, Man Hunt souffre de plusieurs défauts, par exemple sa seconde partie, bien moins intéressante que la première. Si le fait de faire se connecter le personnage principal au monde réel a du sens, le fait que le chasseur devienne le chassé aussi (on notera que le chasseur se trouve toujours sur le terrain du chassé), force est de constater que le film perd en intensité à partir de cette seconde partie, le duo Walter Pidgeon et Joan Bennett (qui deviendra la nouvelle actrice fétiche du réalisateur après Sylvia Sidney) ne fonctionnant pas du tout. De surcroit, le coup du héros emmuré par Quive-Smith (George Sanders) à la fin fait un peu gag à la Looney Tunes tant la scène n'est absolument pas crédible.
Le personnage de Quive-Smith, l'antagoniste principal du récit, reste tout de même intriguant. Persuadé de sa supériorité (raciale et intellectuelle) face à son adversaire, il n'hésite pas à recourir à une pseudo-psychologie bien spécifique au troisième Reich afin d'expliquer pourquoi l'homme qu'il a en face de lui agit de la sorte, pourquoi il lui est inférieur. Difficile de ne pas faire le lien avec les méthodes que l'on peut apercevoir dans un certain Testament du Docteur Mabuse.
En somme, Chasse à l'homme n'est clairement pas le meilleur film du réalisateur, ni même son film le plus radical, le propos ayant été, comme on l'a vu, atténué par les producteurs, ce qui a malheureusement nuit au film les années passant.
Cela dit, voir un allemand débarquer aux États-Unis et inciter ce dernier à rentrer en guerre contre l'Allemagne nazie… quand même, il y a un petit quelque chose de jubilatoire là-dedans.
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Créée
le 21 déc. 2023
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