Je suis assez surpris des retours tièdes, je trouve le film excellent, passée une première partie plus molle.
Ça commence comme un drame assez commun (si l’on met de côté l’arrière-plan historique, et l’étrangeté du méchant folklorique), jusqu’à ce que le film dépose ses bagages dans l’abbaye prise en siège. Dans ce grand décor vide et sévère, alors que la violence chaotique du génocide bout dehors, les corps, les mouvements de foule, et les situations sont soudain ramenés, dans ce décor nu et austère, à leur dimension la plus élémentaire - la tragédie devient très "pure". Avec une élégante sécheresse (qui est aussi celle d'un film pessimiste jusqu'à son épilogue : on part simplement faire le mal ailleurs...), le récit se structure autour du chemin de croix de son héroïne, qu’il transforme par étapes successives : jeune fille de bonne famille, simple campagnarde, martyre, puis enfin vierge hallucinée (une folle hébétée sous son voile blanc, à la lisière du fantastique), le personnage subissant ces reconfigurations successives en moins d’une heure, comme se recalibrant progressivement pour venir s’inscrire dans le schéma fataliste du récit, qui attend patiemment sa chute.
A part dans les cartons, la censure se sent peu, l'ensemble paraît très équilibré. Je serais curieux de voir ce qui existait autour du film existant. En tout cas, après la superbe première partie de "Un lâche", ce film confirme le talent de Barker, la netteté et la précision de sa mise en scène - l'équivalent de la "ligne claire" pour le cinéma muet.