Débunkage d'une propagande grossière

Ecrit à chaud à la sortie du cinéma, toujours assumé aujourd'hui:

On commence par quoi? La bonne ou la mauvaise nouvelle? Allez, la bonne. La bonne nouvelle, la seule à propos de ce film, c'est que le film sert exactement ce que la bande-annonce promettait : 2 heures de propagande anti-FN. Rendons hommage à Belvaux de ne pas nous avoir menti sur la marchandise. Le film dure deux heures, et on a droit à tous les pires clichés sur le FN qu'on entend d'habitude de la bouche des plus incultes, et qui sont répétés constamment jusqu'à plus soif, jusqu'à l'écœurement. Des clichés qui ne fonctionnent plus, il suffit de voir le résultat des derniers suffrages. J'aimerais revenir dessus.
- "Le Front National est un parti raciste" : C'est évidemment l'attaque la plus systématique. Bien sûr, tout est fait subtilement, nous n'avons pas droit à une envolée de Marine - oui parce que Agnès = Marine, seul un demeuré ne le comprendrai pas - sur la pureté de la race, non. Rien de tout cela. Juste quelques mots noyés dans un discours sur l' "honneur du SANG versé par nos ancêtres", un petit "bougnoulie" perdu dans un dialogue avec un gars de la sécu... Effectivement, si le FN faisait référence au "sang" français comme étant un cheval de bataille, il ne serait pas un parti républicain. Le problème, c'est que dans les faits, le FN n'a jamais eu un tel discours. Quiconque écoute les prises de paroles publiques en entier peut s'en rendre compte facilement, d'autant plus à l'heure d'Internet.
- "Le Front National est lié à l'extrême-droite dure": Encore faut-il savoir de quoi on parle. Tout ce qui est aujourd'hui relégué à l'extrême-droite constitue un paysage politique en soi, riches d'obédiences très diverses, parfois très contradictoires entre elles. On y trouve de tout, et pourtant, tous mettent le même bulletin dans l'urne. Mais le fait qu'ils votent pour le FN ne veut pas dire qu'ils soutiennent le FN, il y a des nuances à faire. Est-ce que tout ceux qui ont voté Hollande en 2012 sont des sympathisants du PS? Il faut croire que non, au vu des intentions de vote. La vérité, c'est que chaque chapelle dite "d'extrême-droite" ne représente qu'elle-même et ne défend qu'elle-même. Prenez E&R par exemple: plutôt favorable à l'élection de Marine Le Pen, tout en restant critique sur sa ligne, et qui se fait attaquer par les identitaires comme Conversano pour son discours universaliste... Il est de gauche, Conversano? Sans même apporter toutes ses nuances, pourtant nécessaires, le film va même commettre l'outrage de présenter un Front National lié en sous-main à... des néo-nazis. Rien de moins. Et de vrais, attention, pureté du sang et ratonnades, hein. C'est d'autant plus pathétique, quand on sait que ce genre de groupes sont ultra marginaux en France (donc en aucun cas représentatif du FN), et qu'en général, ils sont tellement sous la sélette (surtout depuis l'affaire Méric), qu'ils se tiennent à carreaux (bien plus que les antifas). Croyez-moi, si un de ces groupes s'amusait à partir en ratonnade ou même à se faire justice eux-mêmes, les médias en feraient leur charogne, et on en entendrait parler.
- "Le Front National ment à ses électeurs et surfe sur les peurs": ...Et tous les autres surfent sur la peur du Front National, et ce film en est d'ailleurs la preuve flagrante. Je pourrais presque m'arrêter là sur ce point, mais je ne résiste pas à l'envie de vous spoiler une scène de meetings entre sympathisants où ces derniers reçoivent clairement la consigne de "ne jamais prononcer le mot bougnoul, ou raton, mais que si [leurs] interlocuteurs employaient ces mots, [ils devaient] hocher la tête de manière compréhensive afin de libérer la parole du peuple, [qu'ils n'étaient] pas là pour faire la morale" (sic). Oh, la sombre manœuvre politicienne! Au delà de l'absurde d'une telle scène (croyez-moi je sais de quoi je parle...), on a quand même l'impression que le film prend son spectateur pour un idiot ignorant des stratégies de communication inhérentes à CHAQUE parti.
- "Les électeurs du Front National sont des idiots et/ou des beaufs": Le grand absent de ce film, sans surprise, c'est l'électeur FN modéré, cultivé, pondéré, et populaire. Tous les électeurs FN présents dans ce film sont soit des vieux qui perdent la boule, soit de gros beaufs (pas trop gros hein sinon ça se voit) soit des néo-nazis, soit des jeunes geeks ultra-identitaires. Le salut du peuple viendra, évidemment, de cette caricature de petite bourgeoise de gauche, qui se bat avec véhémence, passion (et une pointe d'hystérie) contre la montée de la Bête Immonde... Elle qui est incapable de répondre sans s'énerver démesurément au premier frontiste qu'elle croise à un simple barbecue entre amis, ou de croiser une affiche FN sans l'arracher... Qui se bat avec d'autant plus de véhémence qu'elle le fait pour la bonne cause (et qu'elle est issue de l'immigration, ce qui en fait automatiquement un ange par rapport à ces gros cons de Français...)
- "Les médias sont responsables de la montée du FN": Allez le voir pour le croire, mais À CHAQUE FOIS qu'un personnage allume la télé à la radio, ce qu'il regarde ou écoute n'est jamais anodin. On a systématiquement, au choix: 1/ une chronique d'Éric Zemmour ; 2/ un reportage sur l'État Islamique ; 3/ des faits divers impliquant de la délinquance ethnique. Ah oui, et une chanson de Patrick Sébastien à un moment, pour amuser le beauf... Que dire? Même s'il est vrai que la parole anti-islam s'est libérée de plus en plus depuis 2004 dans les médias, et plus encore depuis les récents attentats, ce qui est déplorable (merci Zemmour, Finkielkraut et Lévy), je vous mets au défi de trouver un reportage, une interview, parlant en bien du FN, ou tout du moins de manière neutre, qui ne soit pas le fait d'un sympathisant affiché ou du parti en lui-même. Allez-y, cherchez bien, amusez-vous.
- last but not least, "Le Front National est, malgré sa dédiabolisation, le navire de l'extrême-droite, de la bête immonde, et de la haine": je vous renvoie à cette scène pleine de pathos, du vieux père communiste faisant la morale à sa fille tourmentée, lui disant que lui et ses camarades se battaient déjà contre ces gens-là "avant la guerre, pendant la guerre, et après la guerre". Nous sommes curieux de savoir à qui il fait ici allusion. Peut-être à ce grand ami de Pétain qu'était François Mitterrand ?
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, beaucoup de détails à relever, mais je vais m'arrêter là, j'en ai suffisamment dit. Désolé de donner l'impression de défendre le FN, hein, mais étant un démocrate convaincu et affirmé, j'ai estimé que mon devoir de citoyen était de dénoncer cette manœuvre de désinformation, de mensonge, et de propagande grossière. Si grossière, que m'est avis que ce film, au lieu d'inciter les gens à faire barrage, risque de produire l'effet inverse. L'avenir nous le dira...
Soyez curieux, informez-vous, lisez des livres, commentez si ça vous chante, des bisous.