Chez nous, c'est trois ! par GauthierM
Noémie Lvovsky a déjà interprété des personnages de femmes un peu frustrées par la vie, un peu fofolle tout en restant très discrète. C'est ce genre d'héroïne que l'on retrouve dans le film de Claude Duty. Complètement paumée après une rupture amoureuse, une réalisatrice en panne d'inspiration se rend dans la région (perdue, elle aussi) où elle a grandit pour faire découvrir l'un de ses premiers films à ces gens de campagne qui vont rarement au cinéma.
On retrouve alors un personnage et une intrigue qui nous fait penser à Camille Redouble : une femme meurtrie par un amour déçu, un retour vers le passé (métaphorique ici), une quête de renouveau. Nous sommes en territoire connu. Noémie Lvovsky, dans un rôle d'observatrice complètement passive, devient le relais entre les spectateurs et les autres personnages du film : car ce n'est finalement pas la comédienne qui fait le show, mais le défilé de personnages de campagnards plus ou moins profonds qui viennent aux projections. Comme elle, nous assistons aux séances de questions-réponses redondantes, rencontrons des enfants de colonie de vacances sans le moindre tact, nous retrouvons dans des hôtels miteux, organisons des séances où dix personnes se pointent parce qu'il est tard et que demain y a fête de village... Le rire vient du décalage entre ce dont cette femme qui semble flotter au dessus de tout a l'habitude en vivant à Paris et ce à quoi elle assiste durant son périple.
Le problème, c'est que si ce décalage fonctionne à certains moments (les scènes à la colonie de vacances sont par exemple très réussies), la folie douce que l'on découvre au début disparaît assez tôt pour laisser place à une ambiance douce-amère pas forcément très efficace. Si Noémie Lvovsky conserve son énorme capital sympathie, et si ses jeunes collaborateurs (Marie Kremer, Julien Baumgartner) sont très attachants, le manque d'enjeu se fait parfois violemment ressentir, comme pendant tout le fil rouge de la théorie des baisers qui donne son nom au film et dont le spectateur n'a honnêtement rien à faire... Quant à Stéphane de Groodt, popularisé ses dernières semaines par une vidéo virale qui le confrontait à l'omniprésente Nabilla, ses talents sont bien peu exploités dans ce rôle ingrat d'ancien amoureux effacé. Quant aux extraits du film présenté lors des projections et dans lesquels apparaissent Olivia Bonamy et Julien Doré, ils n'ont globalement aucun intérêt et frôlent la culculterie ultime.
On se retrouve au final devant un film qui a eu le cul entre deux chaises et dont on ressort à peu près dans le même état que l'héroïne : un peu hagard, pas certain de ce qu'on est censé faire de tout ça..