" Hier, on se regardait à peine ... Aujourd'hui nos regards sont suspendus "
"Chungking express" est un film que j'ai trouvé absolument merveilleux je dois bien vous l'avouer, je suis sortie de la salle où j'ai eu la chance de le voir pleine d'une belle joie, de l'envie de le revoir encore et encore.
Les plans, dont on pourrait croire qu'ils frôlent la simple esthétisation, sont au service au contraire au service d'une narration, beaux, lents, servis par un montage efficace et des scènes de pluie plus que magnifiques.
Découpé en deux partie le film envoie donc un rythme d'abord très soutenu dans la première partie mêlant un policer et une mystérieuse tueuse à la perruque blonde qui est draguée (absolument anthologique) par celui qui avale 30 boites d'ananas pour "digérer sa rupture". Cette première histoire est déjà à la fois rythmée, tendre et cruelle mais surtout presque burlesque dans le traitement post-rupture. Puis le premier flic laisse la place au second et là le film prend toute sa saveur (déjà parce qu'ils mangent tout le temps dans ce film !!)...
Tony Leug apparait à l'écran, à la fois classe et paumé après une rupture ... Il parle à ses objets (une merveilleuse trouvaille cinématographique), son corps entier, sa maison aussi vivent la rupture avec lui, la séparation. Là encore on sourit beaucoup avec cette tendresse, de la femme dont on refuse de lire la lettre, partie trop vite sur un escalier roulant (qui part de la maison vers la rue), celui qui mène vers le rêve d'un voyage en avion... Vers le rêve américain ?
Avec la sur-utilisation (jouissive alors que ça aurait pu être casse gueule) de la chanson "California dreamin'", le film dessine son personnage féminin fare, la superbe (à la fois enfantine et féline) Faye Wong ! Amoureuse au petit sac à dos qui chausse des gants roses pour jouer à cache cache avec l'homme qu'elle aime. Tendre et cruelle elle aussi, elle s'amuse avec les objets. Et face à ce changement, le personnage joué par Tony Leug n'est pas surpris outre mesure, ayant véritablement donné vie à ses objets qui "pleurent" comme sa maison inondée, il les voit grandir et changer en laissant tout couler ... Et peu à peu il la suit elle, rentre dans sa joyeuse folie, il se laisse embarquer comme nous dans cette histoire originale et touchante tout aussi romantique que burlesque et surtout pleine de trouvailles.
Un plaisir infini, une réjouissance énorme. Je sors rarement d'un film avec cette impression de joie immense, d'avoir été embarquée, emmenée, conquise par un réalisateur qui sait faire un film étonnant, surprenant et complètement universel ...
On ne mangera plus jamais des ananas de la même manière et même si les rendez-vous sont parfois manqués à quelques Amériques près, il y a des lettres qu'on est heureux d'ouvrir, des films qu'on prend un plaisir inouï à voir et des rendez-vous qu'on ne veut surtout pas manquer.... Réjouissant et intelligent bref plus-que-parfait !!