Raté
Pas toujours évident de dire ce qui ne va pas dans un film. Cigare au miel possède par exemple tous les ingrédients pour plaire : un portait a priori sympathique d'une jeune bourgeoise issue d'une...
Par
le 7 oct. 2021
3 j'aime
- C'est un film de Femme.
- Non. Sauf si l'on venait systématiquement à dire qu'un James Bond est un film d'Homme
telle est la réponse formulée par la réalisatrice Kamir Aïnouz, qui ne souhaite en aucun cas étiqueter son premier-long métrage de satire féministe. D'abord parce que c'est hors-propos avec les thèmes de son film. Deuxièmement, parce que le contenu est probablement trop trash pour des féministes réactionnaires.
Le public [dont moi en l'occurrence] avons pu rencontrer Kamir Aïnouz en fin de séance, le 18 septembre dans les Alpes-de-Haute-Provence pour échanger à propos de son premier essai sur grand écran, qui est pour le moins convainquant.
Cigare au miel relate un chapitre clé d'un individu ; la transition vers l'âge adulte qui se traduit par la construction et l'affirmation identitaire (culturelle) et sexuelle. Retenez-bien cela pour la suite...
Le métrage aborde des thématiques peu représentées dans le cinéma français si ce n'est sous la houlette de la comédie classique aux mille et un clichés. Comme en symphonie avec son homologue franco-algérien Mounia Meddour (Papicha), Kamir Aïnouz met en exergue la domination du paradigme de la monoculture en France.
Un franco-algérien vivant en France n'est jamais assez français dans l'hexagone, jamais assez algérien en Algérie,
témoigne la réalisatrice.
Je l'ai vécu, même si personnellement je n'ai jamais eu un sentiment d'appartenance à l'Algérie, à la nation, au territoire. C'est davantage un sentiment d'appartenance d'ordre culturel. Pour ma part il y avait cette curiosité, cette forme de nostalgie factice pour un pays que je n'avais vu, si ce n'est un reflet approximatif qui transparaissait de mon cercle familial.
C'est exactement ce qu'il se passe avec le personnage de Selma incarnée par une jeune actrice, Zoe Adjani.
Selma se bat individuellement contre ce rejet du multiculturalisme même si elle est sujette à de nombreuses confusions identitaires. Le contexte de la France dans les années 90 et celui de la guerre civile en Algérie n'aident pas.
J'appuie mon propos en contraste avec plusieurs voyages effectués en Bolivie et au Kenya ; des pays plurinationaux dans lesquels un citoyen peut avoir 4 cultures de référence, 4 langues différentes, 4 manières de vivre avec aucun effet de hiérarchisation des cultures.
Conjointement, Cigare au miel évoque la thématique de la sexualité au sein des familles franco-algériennes. J'ai apprécié cette volonté de mettre l'accent sur ces non-dits et cette pudeur maladive de ces familles à propos de la sexualité. Une pudeur qui handicape et frustre les générations neuves, elles qui découvrent le sexe, construisent leurs relations amoureuses autour - notamment - d'expériences érotiques et organiques (naturelles).
Parce que chez ces parents dont dépeint la réalisatrice, le sexe c'est sale. C'est le truc dont on ne doit jamais prononcer le mot. Aucune intention doit sortir de notre tête à ce propos. Si on venait à les écouter [ces parents], les nouveau-nés doivent même être livrés par des putains de cigognes.
[Je me calme].
Le film construit alors une mécanique autour du désir sexuel, ou de la satisfaction, de la jouissance au sens plus large du terme. Cette dernière est :
- visuelle (le rose qui représente la peau, l'intime, le corporel conf. Pieles (2017) de Eduardo Casanova),
- gustative (la viennoiserie orientale très sucrée - cigare au miel - qui est addictive comme le sexe)
- sonore (musique légère accompagnée de chœurs qui exprime l'intensité du désir, ainsi que son évolution selon les situations).
Pour autant cette thématique siamoise identité culturelle/sexualité manque de substance et de provocation. Certaines séquences tombent dans la redondance. La fin désorbite les principales intrigues introduites en début et en milieu de film. La qualité décline entre l'introduction et le générique de fin. Un sentiment d'amertume nous gagne ce malgré bien avoir pu cerner les qualités narratives du métrage.
En somme, Cigare au miel est une belle entrée en matière dans la cinéma-sphère, en plus d'élargir à son échelle le spectre du cinéma français.
Créée
le 19 sept. 2021
Critique lue 1.3K fois
2 j'aime
D'autres avis sur Cigare au miel
Pas toujours évident de dire ce qui ne va pas dans un film. Cigare au miel possède par exemple tous les ingrédients pour plaire : un portait a priori sympathique d'une jeune bourgeoise issue d'une...
Par
le 7 oct. 2021
3 j'aime
C'est un film de Femme. Non. Sauf si l'on venait systématiquement à dire qu'un James Bond est un film d'Homme telle est la réponse formulée par la réalisatrice Kamir Aïnouz, qui ne...
le 19 sept. 2021
2 j'aime
Dans les années 90, la première année en école de commerce d'une jeune femme d'origine algérienne issue d'un milieu aisé et vivant à Neuilly, tiraillée entre ses premières amours sans lendemain et la...
le 14 avr. 2022
Du même critique
Toutes et tous, vous y avez été confrontés. Vous, fans de films d'horreur qui comme moi, ont pu se retrouver devant une table basse ornée de bols de chips, de jus de bissap et quelques verres de vin...
le 8 mars 2019
13 j'aime
Parole d'un fan inconditionnel de l'original de 1980. Le Choc des Titans édifié par Desmond Davis et Ray Harryhausen est une véritable perle du septième art - oui je ne me gêne pas de parler...
le 2 déc. 2017
10 j'aime
3
En deux mots Passez outre la représentativité des Sharon Tate et autres Bruce Lee, et vous vous en porterez très bien vous verrez. 9 ème merveille du monde derrière ces quelques sites archéologiques,...
le 23 août 2019
9 j'aime
3