Rincon à la fin du XIXe siècle est une petite bourgade du Far Ouest sans grand intérêt, écumée principalement des joueurs et des fermiers, en passe d'être la grande ville minière que le filon d'or qui y a été découvert récemment l'encourage à devenir. Un soir, alors que se joue dans l'unique saloon de l'unique rue de ladite bourgade (vous voyez de quoi je parle) un stud à cinq cartes, une variante du poker voyant allouées à chaque joueur quatre cartes ouvertes et une fermée sur laquelle se feront les enchères, est commis un acte aussi irréparable qu'inédit dans la tranquillité apaisante des lieux : l'un des sept joueurs, pris en flagrant délit de tricherie, est sauvagement lynché par les cinq autres, le sixième ayant quitté la table au coup précédent, et pendu sans autre forme de procès. La corde enserrant son cou et les litres d'alcool éclusées au cours de la soirée irriguant l'esprit embrumé de ses bourreaux suffirent amplement à l'envoyer se balancer dans la mort en toute légitimité. Mais depuis maintenant quelques jours, une série de meurtre secoue la communauté de Ricon et sème la panique et le doute chez les lyncheurs, clairement ciblés par le tueur : l'un d'eux ils le savent est responsable de cette hécatombe.
Hathaway et sa scénariste Marguerite Roberts (qui signera l'année suivante le scénario de True Grit) auraient pu faire de la nouvelle de Ray Gaulden dont est tirée Five Card Stud, une classique intrigue policière doublée d'une sombre histoire de vengeance. Ils préférèrent en faire un western (un de plus pour Hathaway) et dépeindre en filigrane l'escalade de la violence dont se rend coupable l'Homme lorsqu'il se sent menacé de mort et acculé dans les derniers retranchements de sa culpabilité. En cela, le cadre du western avec sa communauté soudée, ses amitiés et ses inimitiés viriles et ses coupe-gorges multiples sied mieux au propos que le banal cadre urbain d'un thriller.
Le film est une franche déception. Non pas que j'attendais d'Hathaway un grand western mais plutôt que j'espérais de sa doublette Martin-Mitchum une confrontation de haute volée. Malheureusement, si la voix et les mimiques du second emporteront toujours mon adhésion, le jeu du premier est aussi mou du genoux que la mise en scène et le scénario. L'identité du rat et du tueur est trop rapidement devinée, l'ambiance de malaise et de suspicion qui aurait dû être un sommet de tension et d'angoisse n'est pas bien rendue, l'intrigue amoureuse est bâclée... Bref c'est du service minimum à tous les étages. A voir pour Mitchum qui ne se contente plus de brandir la Bible dans une main et un revolver dans l'autre mais associe directement les deux l'un dans l'autre. Ce n'est que sur ce subterfuge digne de Hergé (je pense évidemment au traité d'astronomie de Haddock) que repose la seule bonne mais vaine idée du film : les balles tuent autant que les idées.