L’enfance tue
Il y a de nombreuses raisons d’être ébloui par Citizen Kane, et il est difficile, depuis plusieurs décennies, de l’aborder en toute innocence. Par ce qu’il est considéré l’un des plus grands films de...
le 19 janv. 2017
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Je remarque souvent que les avis divergent concernant le cas Citizen Kane. Les critiques de cinés « professionnels » portent Citizen Kane comme le St Graal du 7em Art aux côtés du Godfather de Coppola (on remarquera qu’ils ont du mal à se décider concernant le numéro 1). Les autres personnes, eux voient en Citizen Kane un bon film, mais loin d’être le meilleur de tous. Et j’entre dans un débat un peu foireux mais dont l’issu est bien évidente : il n’y a pas de meilleur film de tous les temps. Chaque film brille à sa façon, chaque film a ses propres qualités et ses propres défauts. Citizen Kane a ses qualités ô combien incroyables mais aussi des défauts (du genre, un rythme parfois long), tout comme Godfather a ses qualités et ses défauts.
Il n’y a pas de meilleur film, chaque personne a son film préféré, perso, c’est The Dark Knight et je la ramène souvent en disant que c’est le meilleur film du monde, mais ça reste mon avis personnel. Y a pas d’objectivité quand on parle du cinéma et d’Art en général. C’est pas possible, même si on voudrait avoir un œil objectif, on peut pas. Je dirai même que l’objectivité est une illusion parce qu’aucune personne au monde, n’est objective et ne possède ce don.
Alors dire que Citizen Kane est le meilleur film de tous les temps, ça revient au même de dire : dfoinzocihfoedàj (je vous invite à prononcer ce que je viens d’écrire et de m’insulter dans les commentaires pour vous avoir fait perdre votre temps avec cette connerie).
Et puis même, quand on nous survend un film en disant que c’est le meilleur du monde, ça a tendance à décevoir. Perso, j’adore ce film. Quand je l’ai vu la première fois, je me suis un peu ennuyé, mais son final m’avait tellement surpris que ma vision du film a totalement changée.
C’est un peu ça le génie de ce film, c’est que la dernière minute change tout le regard qu’on avait. Tous les enjeux du film changent et un deuxième visionnage s’avère donc nécessaire pour comprendre le film et les thématiques qu’il aborde. Au final, je n’ai revu le film que deux ans après mon premier visionnage en cours de ciné et j’ai redécouvert Citizen Kane tout en connaissant sa fin et ce qu’elle implique.
Citizen Kane est un film sur le regret. On aura beau avoir tous ce qu’on veut dans la vie, on regrettera toujours quelque chose, il y aura toujours un manque dans notre vie, et c’est que lorsqu’il sera trop tard qu’on le comprendra. Orson Welles incarne un homme Charles Foster Kane qui a tout eu dans sa vie, sauf une chose. Je ne vous dirai pas quoi, ça reviendrait à gâcher le twist. Tout le film nous montre la réussite de cet homme en commençant par sa mort.
Un homme meurt, ses dernières paroles résonnent dans une salle vide, et la glace se brise. De Kane il ne reste qu’une chose : « Rosebud ».
Tout de suite, le film enchaîne sur un documentaire retraçant toute la vie de Kane. De sa jeunesse à sa mort. De l’émergence de son journal à son échec politique. De l’importance de l’homme dans le monde, et de l’écho de sa mort aux USA. Bref, le film propose un regard très documentaire sur le personnage comme on pourrait voir à la télé de nos jours tout en résumant sa vie de la manière la plus simple qu’il soit.
Puis, le film entre enfin dans le vif du sujet, la vie intime de Kane. On redécouvre la vie de cet homme sous un angle différent. A travers les mémoires du tuteur de Kane et les témoignages de ses proches, le spectateur rassemble les pièces du puzzle pour comprendre la véritable signification de « Rosebud ». Welles lance alors une multitude d’indices avec une mise en scène des plus virtuoses. S’il y a bien une réussite dans ce film, c’est la composition de ses plans. Les reflets dans l’eau ou les vitres, les décors, les jeux de lumières ou le cadrage, tout dans ce film est fait avec minutie. Y a pas à dire c’est du grand Art. J’ai été ébloui par la manière dont est filmé Orson Welles en Kane, il est tout bonnement charismatique grâce à des contre-plongées incroyables.
Et puis, Orson Welles livre là une interprétation de dingue. Malgré les maquillages pour le faire vieillir, il est ultra expressif et arrive parfois à être terrifiant (notamment dans la scène de l’opéra où il applaudi, il fiche la frousse). On ressent à la fois du respect et de l’empathie pour ce personnage charismatique mais pourtant très fragile. L’homme qui a tout réussi et qui a tout perdu (femme, enfant, argent, amis).
Et maintenant, on va entrer dans la partie spoiler pour que je décrypte un peu les enjeux du final et pourquoi cette fin fait de ce film un véritable chef d’œuvre à mes yeux. Donc je lance l’alerte :
ALERTE SPOILER
Rosebud est l’enfance de Kane. Sa luge représente l’enfance à laquelle on a arraché Kane alors qu’il jouait dans la neige. C’est clair, c’est net. Tout sa vie, Kane en a voulu à son tuteur parce que c’est lui qui l’a arraché à son enfance. Et c’est pour ça que toute sa vie, il est allé à contrecourant de tous ce que son tuteur lui a enseigné. Il s’est amusé dans cette constante rébellion. Cependant Kane a tenté par tous les moyens de combler la perte de son enfance par des biens matériels (les statuts) ou avec ses femmes. L’homme est possessif parce qu’il ne veut plus rien perdre.
Et c’est pour ça que dès qu’il l’a pu, Kane a refusé de se laisser contrôler. La seule fois où Kane a obéi aux ordres (quitter sa famille), on lui a volé son enfance. Ça paraît donc logique qu’il se soit fait renvoyé de toutes les écoles où il est allé. Ce n’est pas parce que c’était un jeune homme rebelle et cool, mais parce qu’il ne veut plus risquer qu’on lui vole une nouvelle fois une partie de sa vie en suivant les règles qu’on lui imposerait dans une école.
Citizen Kane encourage à prendre sa vie en main et de ne pas se laisser contrôler. C’est ça que délivre le personnage de Charles Foster Kane et c’est pour ça qu’il est si intéressant. Je pense sincèrement que Kane est l’un des personnages les plus passionnants de l’histoire du cinéma ! C’est ça la plus grande qualité du film, c’est son personnage et le reflet de nous-même qu’il renvoie ! Et ça, on ne peut le comprendre qu’une fois qu’on a vu la fin, et qu’on a compris la véritable signification du mot « Rosebud ». Mais sa luge qu’il nommait « Rosebud » brûle avec tous ses biens, libérant une fumée noire s’élevant dans les cieux. Kane disparaît avec son héritage et le secret que représente Rosebud.
FIN DU SPOILE
Donc si ça, c’est pas du traitement de personnage de dingue, je sais ce qui vous manque. Citizen Kane n’est pas le meilleur film de tous les temps car ça n’existe pas. Mais, il faut reconnaître qu’il s’agit là d’une œuvre unique en son genre, qui n’a pas pris une ride. Je reste émerveillé devant l’écriture de ce film ainsi que pour sa mise en scène éblouissante pleine de bonnes idées. Je suis encore plus étonné lorsqu’on sait qu’il s’agit là du tout premier film d’Orson Welles et qu’il a réalisé ce film à vingt-cinq ans. Pour moi, ce film est un chef d’œuvre d’une rare maîtrise qu’il faut voir absolument !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films avec un twist final, Journal de bord: films 2017, A la fin, le héros MEURT!!!, Résumer ces films en une réplique et Ce ne sont pas mes films préférés, mais je leurs met quand même 10
Créée
le 15 sept. 2017
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