La proie
Claire Dolan a l’intelligence d’aborder la prostitution comme une malédiction qui colle à la peau du personnage principal, fort d’un ton à la croisée du drame réaliste et du thriller fantastique dans...
le 30 sept. 2020
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Claire Dolan a l’intelligence d’aborder la prostitution comme une malédiction qui colle à la peau du personnage principal, fort d’un ton à la croisée du drame réaliste et du thriller fantastique dans lequel les clients deviennent des spectres réfléchis dans divers surfaces comme les miroirs, les vitres, les carrosseries de voitures ou les écrans de télévisions. Aussi le film prend-il l’aspect d’une traque anxiogène et poisseuse : le corps est épié, surveillé, désiré pour sa seule valeur imagogène, c’est-à-dire pour sa propension à construire des images sexuelles correspondant à une série de postures et d’intonations constitutives du jeu d’une actrice de théâtre. Et l’intérêt de la mise en scène est de présenter la prostitution comme une série de relations sexuelles dans lesquelles la sincérité ne pénètre pas, d’en faire un artifice qui, dans le cas du film, vient perturber le réel parce qu’elle raccorde la femme à un statut qui n’est plus le sien, ce statut d’actrice qu’elle laisse derrière elle une fois l’argent obtenu.
Claire est une proie, victime de sa profession et des fantasmes qu’elle engendre chez ses clients au point d’organiser sa fuite, d’abord aux bras d’un chauffeur de taxi dont la fonction est donc de transporter des voyageurs d’un point A à un point B – ce qu’il fait, littéralement, pour la jeune femme –, ensuite par ses propres moyens, consciente de son incapacité à renaître de ses cendres en compagnie de quiconque. La disparition de la mère agit tel un choc, une rupture du lien de dépendance à un lieu qui libère de leurs tombeaux les spectres d’un passé qui ne saurait passer en restant là. Le long métrage orchestre ainsi une contamination de ce là, de l’espace intime, allant jusqu’à faire entrer dans l’appartement un client, traduction par l’effraction commise du viol de la vie privée. Il ménage toutefois, à terme, une porte de sortie qui ouvre sur des horizons nouveaux et lumineux.
Si le film laisse en bouche un goût d’inachevé et d’amertume, la faute à une structure répétitive qui, si elle mime la souffrance du protagoniste principal, finit par tourner en boucle de façon automatique au risque de lasser le spectateur, l’intelligence scénaristique et formelle avec laquelle il aborde son thème mérite son visionnage.
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le 30 sept. 2020
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