Après 4h15 de film, vous reprendrez bien un petit bonus de deux heures ?
Documentaire très complet sur le tournage du film aux multiples superlatifs, permettant une bonne compréhension de la logique des studios et la façon dont ils géraient les grands budgets.
Cléopâtre est avant tout le récit d’erreurs en pagaille : de casting, de décors (construits d’abord à Pinewood, et pourris par la pluie, qui eut aussi un effet dévastateur sur la santé de Liz Taylor), d’écriture, d’estimation. Gouffre financier, en proie à la corruption, totalement désorganisé, des centaines de figurants attendant des semaines entières avant de jouer, Mankiewicz tournant dans l’ordre chronologique pour pouvoir avancer dans l’écriture du film, la nuit, c’est le récit d’un désastre qui enchaine les déconvenues.
C’est aussi la réhabilitation d’un film que nous ne verrons probablement jamais, et un éclairage sur le travail titanesque de Mankiewicz, réalisateur, puis scénariste, voire producteur. On apprend ainsi qu’il projetait un diptyque de 6 heures, l’un sur Cléopâtre et César, le deuxième sur Cléopâtre et Marc-Antoine, qu’on lui refusa de peur que lors de la sortie du deuxième volet, la liaison ultra médiatique entre Burton et Taylor ne soit plus d’actualité.
Contraint à réduire à plusieurs reprises son film, à retourner des scènes de bataille fauchées, y laissant sa santé, Mankiewicz considéra avec beaucoup d’amertume le résultat final qui faisait environ 3 heures. Alors qu’on a pu reconstituer la version de 4h15 qu’on voit aujourd’hui, on recherche encore les rushes pour tenter d’assembler le grand œuvre voulu par le maitre.
Récit d’un grand gâchis, et de la victoire des stars, Taylor en tête qui signa le premier contrat à un million de dollars et repartit avec un cachet de sept du fait des prolongations, ce documentaire est éclairant sur la dimension collective d’un film et les risques inconsidérés pris par les studios lors de son chaotique âge d’or.