Autant le préciser directement, j’ai vu ce film en VO serbe sans le moindre sous titre. Toutefois, la force du film et l’évidence du contexte le rendent ouvert au public malgré la barrière de la langue, car l'environnement, les impressions, et les situations sont universelles (en tout cas européennes, radicalement différent d’un calibrage américain comme celui d’un Spring Breakers, ou des films de Larry Clark). La banalité du cadre et du parcours de notre héroïne sont facilement abordables, et a donc vocation à faciliter l’immersion. A partir de là, le film divisera : ceux qui y verront un vide total (vu que c’est une immersion intime dans la vie d’une adolescente, ça a déjà été vu), et ceux qui aimeront le postulat punk très frontal du film. Car c’est bel et bien un film qui s’attaque frontalement à un portrait générationnel, celui des filles qui deviennent des salopes parce que c’est ce qu’on attend d’elles. Se conformant à un niveau sexuel explicite (les scènes pornos sont nombreuses, toujours filmées avec les portables de chacun), Jasna croit qu’elle aime et est aimée pour son attitude, et qu’elle y gagne également une forme de respect, de reconnaissance vis-à-vis de ses camarades. Elle se conforme au schéma scandé par les musiques de boîte qui tournent en boucle partout, par les sorties shopping où le dernier string froufrou est la jouissance du jour, et par ce qu’attendent les garçons de leur âge. La gente masculine aime boire, et rouler des pelles aux salopes qui sucent à la demande. Si le constat est limpide, le film en évite la lourdeur, et rend immédiatement fonctionnel chacun de ses personnages, sans outrer les postures plus qu’il n’en faut. Même l’usage récurrents des vidéos pixélisées ne jure pas dans le contexte (or ce détail technique est sacrément casse gueule). Ainsi, le film capte les aspirations et les envies de sentiments de Jasna, qui se travestissent dès que son mâle est en approche en avances sexuelles explicites, car c’est via ce prisme que les mâles veulent interagir avec elles. Et que le basculement vers les sentiments purs semble tout simplement impossible, les compteurs semblant repartir à zéro quand la séquence baise est achevée. Sans doute que le contexte familial est un peu cliché (décalage de génération, peu d’espoirs dans le futur…), mais la limpidité de l’exposition permet de compenser la redite par le ressenti assez vif de la caméra. Pour un constat connu, on garde la puissance de l’immersion, et la confrontation direct au trash des situations traversées par notre adolescente (la scène où elle mime une chienne devant un Dole qui la fouette avec une ceinture) accentue la violence du constat. On pourra noter quelques faits intéressants à son sujet (comme son interdiction en Russie), mais les faits sont là, évidents et abordés sans détour. Une bonne petite claque en somme, et un film qui touche juste là où Spring breakers perdait rapidement pied…
Voracinéphile
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le 6 mars 2014

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