Je ne sais pas pour le best-seller (titre français : Dans la maison de l'autre) de Rhidian Brook dont il est adapté, mais Coeurs ennemis, un mélo sentimentalo-sexuel sur fond d'immédiat après-guerre, semble parfois sonner un peu faux.
Nous sommes début 1946, en plein hiver. L'Allemagne vaincue et occupée par les vainqueurs n'est qu'un immense champ de ruines. Hambourg est aux trois quarts détruite, avec des dizaines de milliers de morts. Et dans ce décor de ville dévastée pleurant ses chers disparus, James Kent met en scène une sorte de mélodrame, pendant lequel on a souvent l'impression de feuilleter un magazine de luxe. C'est pour le moins paradoxal, presque indécent.
L'histoire en soi n'est pas inintéressante, mais elle aurait demandé une meilleure gestion du rythme temporel de son déroulement et davantage de tact de la part du réalisateur. Un Douglas Sirk de la grande époque (1954-1959) en aurait peut-être tiré un très beau film... alors que là, on patauge dans le couci-couça.
Cela vient peut-être de ce que, pendant tout une partie du film, on se méprend sur les états d'âme et la teneur des sentiments du personnage principal féminin (Rachael) et sur ses exacts rapports avec son colonel anglais de mari (Lewis Morgan) qui, en charge de la reconstruction de la ville, semble trop exclusivement accaparé par les problèmes qu'il rencontre dans cette tâche ardue et délicate. Entre Rachael et lui existe un mélange de tendresse et de froideur qu'on remarque d'autant moins qu'on n'en comprend pas vraiment la raison. De telle sorte que la soudaine et mélodramatique romance qu'elle noue avec Stephan Lubert, le bel architecte allemand propriétaire de la magnifique maison réquisitionnée par les forces armées britanniques pour héberger le colonel Morgan et sa femme, paraît incroyablement précipitée, déplacée et quasi extravagante.
Il faut dire que les pleins motifs de l'espèce de détresse psycho-sexuelle de Rachael s'apprécient mieux dans la suite des événements, mais je n'en révélerai pas plus sur l'intrigue du film ; bien que tout à fait mélodramatique, elle est assez habile et notamment pose (ou repose) cette question qui aurait passionné les salons littéraires des siècles passés : peut-on aimer deux hommes (ou femmes) à la fois ?
Keira Knightley est assez crédible dans le rôle de Rachael qu'elle interprète avec sensibilité (mais peut-être un peu d'agaçante minauderie). Jason Clarke (Lewis, son mari) et Alexander Skarsgård (le séduisant Herr Lubert) assurent bien et sont aussi convaincants qu'il est possible. D'ailleurs, tous les acteurs se débrouillent plutôt pas mal et sont dans l'ensemble bien "castés". Ils font que le film se regarde avec un certain plaisir.
Je résume mon point de vue : plutôt bonne histoire (assez bien photographiée), plutôt bons casting et interprétation, mais mise en scène, direction artistique et réalisation pas vraiment à la hauteur.