Çöl est le titre original de Turkish Jaws et il signifie désert. Il faut savoir que le titre original devait être Mavi Çöl (Le Désert Bleu) en référence à l'océan mais l'imprimeur ne comprenant pas en quoi un foutu désert pouvait être bleu il a tout simplement viré la moitié du titre sur les affiches. Mais bon, c'est loin d'être la chose la plus amusante que l'on puisse raconter sur cette version très personnel des Dents de La Mer par le réalisateur de Turkish Star Wars Çetin Inanç.
Si il est bien question de requin, il faut savoir que celui ci n’apparaît qu'à peine cinq petites minutes à l'écran et qu'il faudra attendre les dix dernières minutes du film pour l'apercevoir. Le film ne reprend donc aucunement la trame du film de Spielberg et se contente de nous balancer un requin bien croquignolet en mousse avec des dents en polystyrène que lors du presque final du film, ce qui est bien dommage car niveau craignos monster il vaut vraiment son pesant de loukoums. Le reste du temps nous allons suivre Kemal un héros taciturne et bagarreur interprété par le Alain Delon turc Cünet Arkin qui passe le plus clair de son temps à cogner des mecs dans une sorte de vendetta assez obscur surtout en version turque sous titrée dans un anglais bancal. En tout cas Kemal aime la bagarre et il distribue les coups de tatanes et les mandales avec une frénésie stakhanoviste le tout rehaussé par un petit effet d’accéléré très amusant et surtout de magnifiques bruitages tellement excessifs qu'ils continuent y compris lorsque les coups s'arrêtent. Virtuose du kung fou et du lattage de tronche Cünet Arkin s'en donne à cœur joie avec des séquences de bastons aux effets de montage hilarant comme lorsque le héros donne un coup vers la caméra et que le film enchaîne avec des cascadeurs qui font des vol planés comme si ils venaient de se manger un camion à pleine vitesse, des cabrioles improbables, des plongeon peu artistiques, des sauts à travers des fenêtres et des saltos arrières. Les combats touchent parfois à l'hystérie collective pour le plus grand bonheur des amateurs de nanars homériques. Je n'ai strictement rien compris à la façon dont les méchants déboulent à intervalle régulier au grès de l’histoire pas plus d'ailleurs qu'à la logique des événements qui se passent aléatoirement sur le bateau, sur une plage ou dans un port.
La mise en scène de Cetin Incaç nous réserve aussi quelques moments d'anthologie comme pour introduire les flash-back racontant les traumatismes du héros. On connaît tous cet effet d'image qui se déforme et ondule pour introduire des événements passés; et bien là, faute de moyen, le technicien fait simplement bouger la caméra dans tous les sens en lui faisant faire des moulinets à vous donner la gerbe. Et puis le cinéma turc possède un sens du montage assez particulier entre l’épilepsie et l’ellipse donnant au film un tempo quasi surréaliste. Mais surtout le film est un formidable écrin taillé sur mesure à la gloire de son acteur Cünet Arkin qui chie la classe dans le registre du mâle viril et torturé. Et oui les amigos, si le personnage défonce un requin en carton avec un pieu en bois et tatane plus de vilains que dans un John Wick il cache aussi un bien lourd passé d'orphelin séparé de sa maman et de son chien. Et c'est ce regard triste de chiot perdu qui séduira immédiatement une gonzesse en maillot de bain sur la plage dès l’instant qu'elle va apercevoir sa silhouette viril sur le pont d'un bateau. Et puis Kemal c'est aussi de l’amitié viril comme lorsqu'il sauve un vieux compagnon et qu'il lui trifouille le trou de balle avec son gros couteau pour retirer le projectile ( En tout bien tout honneur bien sûr). Ah ces regards emprunt de masculinité brut que se lancent les deux compères , y-a quand même une légère tension gay friendly dans l'air marin.
Et puis bien sûr qui dit production turque de cet acabit, dit forcément bande originale aux allures de blind test géant. On reconnaîtra notamment ici l'utilisation cyclique et hilarante de l'introduction de Eyes Of The tiger qui revient en boucle, quelques morceaux des Dents de la Mer (Forcément), le Whole Lotta love de Led Zep mais également des morceaux de Rambo, Le Clan des siciliens, Psychose, Cosmos 1999 et même Bilitis pour les envolées romantiques du film… Un gros patchwork balancé bien sûr comme toujours sans la moindre autorisation des compositeurs et ayants droits.
Bon, Turkish Jaws est très décevant niveau requin mais assez jubilatoire niveau action et portawak. Taillé sur mesure à la gloire viril excessive de son acteur , le film verse forcément très vite dans la parodie involontaire tant la glorification de sa star est ridicule et donc hilarante. Kung-Fu homérique, requin en carton, virilité moustachu, montage hystérique, héros taciturne, bimbo en bikini et mélodrame sont au programme de Turkish Jaws, soit un copieux petit menu nanar.
Ma Note Nanar : 07/10