(Rédigée en 2010 et à peine retouchée pour inclusion ici)
Le film de Minnelli est un peu daté et c'est normal mais c'est quand même presque un chef d'oeuvre, un mélodrame flamboyant qui vaut tout à fait ceux de Sirk.
Le film dure 2 heures 17 et... il n'y a quasiment pas de temps mort. Le scénario est riche et intéressant et le découpage de l'histoire très habilement fait. Celle-ci est romanesque, parfois à la limite du vraisemblable (au niveau des péripéties et du comportement de ses personnages), mais d'excellents acteurs font qu'on y croit quand même, qu'on s'attache aux personnages et qu'on admet et comprend les passions, sentiments, peurs, tourments qui les habitent.
Le film doit beaucoup à cinq excellents acteurs qui font véritablement exister leurs personnages : Frank Sinatra en écrivain bloqué qui doute de ses dons et se soigne au whisky ; Dean Martin en joueur de poker et buveur invétéré, impassible et mystérieux ; Arthur Kennedy frère de l'écrivain, à la fois son opposé, notable de la modeste ville de Parkman (Illinois) dans laquelle la plus grande partie de l'histoire se déroule, et une personnalité complexe pas si antipathique que ça ; enfin les deux femmes entre lesquelles Dave Hirsch (l'écrivain bloqué) est partagé : Martha Hyer, parfaite en prof de "technique romancière" dont l'intellect muselle les pulsions et Shirley MacLaine en prostituée naïve et folle amoureuse de l'écrivain qui, juste après sa démobilisation, l'a ramassée dans un bar de Chicago puis convaincue de l'accompagner à Parkman (sa ville natale qu'il a quittée depuis 15 ans).
Les dialogues sont écrits avec justesse et drôlerie, mais savent aussi s'effacer complètement devant l'action ou l'image quand celle-ci parle d'elle-même. Il n'y a quasiment pas une parole dans les 10 dernières minutes. Les bruits de la fête foraine, une musique d'ambiance adaptée au lieu, oui mais aucun dialogue entre les personnages. On comprend tout, sans qu'il y ait besoin de dire quoi que ce soit : tout passe par les yeux. Et la dernière scène m'a semblé une merveille d'habileté cinématographique : tous les personnages du film quasiment se retrouvent et le spectateur comprend parfaitement ce que pense chacun d'eux, sans que rien ne soit exprimé verbalement, hormis un célèbre psaume lu par l'officiant. Rien d'autre n'est dit mais TOUT est dit. L'émotion est au rendez-vous. Dans la salle, on s'essuie furtivement les yeux et sur l'écran, Dean Martin enlève son chapeau pour la première fois du film.