Il y a ce film d'un côté. Et ce qu'il provoque chez moi de l'autre.
Tentative d'analyse objective du film.
Un jour, j'ai voulu écouter un morceau des Casseurs Flowters. Je sais plus pourquoi. Peut-être que c'est la fin de la série Serge le Mytho ou le fait d'avoir croisé deux ados qui regardaient leur clip il y a une semaine.
- Quelque chose s'est passé en écoutant un morceau. J'ai poussé plus loin et j'ai écouté l'album "Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters." .
- Quelques chose s'est passé en écoutant l'album. J'ai poussé plus loin en regardant les clips. Je me suis dit qu'il fallait peut-être écouter le second album.
Après deux morceaux, j'apprends que celui-ci est la B.O. de leur film. Film qui est en partie l'adaptation du premier album. (Du coup, le deuxième album est la B.O. d'une adaptation en film du premier album.... C'est conceptuel.)
C'était casse gueule, mais le film fonctionne. Orelsan et Gringe sont d'assez bons acteurs, leurs potes jouent aussi bien que des acteurs professionnels (notamment Declau qui apparaissait en arrière plans dans certains clips et joue dans un épisode de Bloqué.) La réalisation réussi à bien cerner Caen en la filmant comme une ville de petit bourgeois chiants. J'y ai reconnu deux ou trois trucs, notamment le lieu où il y a des camionnettes le long du canal (parce qu'il se trouve... que c'est pas loin d'une salle de concert. Du coup, l'excuse de Gringe dans le film peut fonctionner.) Ça se veut comme l'histoire de deux mecs un peu paumé et ça ne dérive pas du fil.
L'histoire se suit bien et malgré le fait que les deux lascars disent que c'est une sorte de "prequel" à l'album, C'EST l'album. Il est calqué sur le même canevas (Orel et Gringe ont 24h pour réaliser un album, finissent par se bourrer la gueule et accusent le coup lorsque le soleil se lève) et il ne peut pas s'empêcher d'aborder les mêmes thématiques : les discus sur les putes, les connards sous un abri-bus, les nanas d'Orel et Gringe, le taf alimentaire, le fait d'être bloqué sur un morceau, même le coup du CD-de-Merde est évoqué.
Mais au final, je pardonne cette facilité d'écriture, car ça offre bien plus une forme d'univers étendu à leur univers (comme l'est la série Bloqué, d'ailleurs Declau est une sorte de pré-Serge-le-Mytho) et le film arrive à aborder des thématiques, notamment via les nouveaux morceaux qui s'intègrent très bien dans l'histoire sans devenir redondant : les conflits entre Orelsan et son père, l'univers des Cash-Converters, etc...
Bref. C'est cool et ça m'a bien plu. Par contre, comme beaucoup de gens le souligne sur ce site, après ces deux albums, ce film, la série et le live, je crois qu'il va être temps pour les deux compères de se tourner vers autre chose que de raconter les histoires de deux branleurs blancs en galère.
Mais à la vérité c'est que....
Les Casseurs Flowters me font plus bader que Radiohead.
Après la vision de ce film je me suis senti intensément déprimé, la même déprime que j'ai eu en écoutant leurs albums. Étrange, car le groupe est censée être une caricature comique de branleurs et ils possèdent un côté comique indéniable.
Ce qui me fait peur, c'est que je me suis reconnu. Enfin, j'ai reconnu certains aspects. Si je ne partage pas le côté crasseux, menteur et trompeur (et je vais pas aux putes, merci) j'y trouve un écho à mes propres angoisses créatives.
Il faut dire que j'ai écouté leurs morceaux en pleine période de pages blanches et d'insomnies, ces moments où tu te couche vers 5h, où tu as l'impression que tout ce que tu fais est nul, où tu te sens déjà noyé dans un truc où des millions de gens font la même chose que toi. ("Qui est tu pour réussir là où tout les autres ont échoués.") On accumule les fins de mois et les fins de nuits difficiles, les repas bâclés, l'angoisse de trentenaire de ne pas savoir si on est déjà en train de passer à côté de sa vie, ou si on arrête maintenant que les regrets vont arriver.
On taffe sur un truc entre deux runs de Necrodancer ou de Binding que l'on foire comme une merde. Ça avance super lentement. On se mate Comment c'est loin alors qu'on s'était promis de taffer sur le projet ce soir. On finit par se coucher en se disant qu'au bout du compte, tout le monde trouvera ça nul.
Ces deux enfoirés ont foutus le doigt sur mes angoisses, alors que je ne leur avait rien demandé.
Et moi, comme un maso, j'en redemande.