"What is the riddle of steel?" -- Pour l'amour de l'art...

Quand John Milius rejoindra Basil Poledouris auprès de Crom, il saura quel est le secret de l'acier !


De l'art cinématographique...
Parfois, les vils objectifs pécuniaires des producteurs n'empêchent pas de faire un film "artistique". Je ne suis pas assez expert dans le domaine pour savoir si De Laurentiis voulait seulement se faire un paquet de sous avec un film de fantasy un peu barbare, ou s'il voulait tenter quelque chose. J'ai simplement ouï dire que certaines de ses décisions ont, un peu par hasard, rendu ce film encore plus génial à mes yeux.
J'ai pu lire des critiques de ce film qui s'abattaient sans retenue sur la musique, sur la succession de décor et des paysages sans liens, de l'histoire brinquebalante, sur le jeu d'acteur limité... C'est tout ce qui pour moi fait de ce film une pépite.


La force de l'acier par les cuivres.
Je ne pourrai jamais être objectif quand je parle des musiques de Basil Poledouris. Il a donné toute leur puissance à quelques perles de Paul Verhoeven, il a fait de même ici, pour moi. Que deviendrait une chevauchée violente de Cimmérie en Aquilonie, sans un épique accompagnement musical ? Anvil of Crom pourrait être une réponse à son énigme tellement ce qui fait la légende de l'Acier semble être exprimé dans ce thème. Le compositeur a aussi su nous apaiser quelques instants avec des thèmes bien plus tranquilles et accompagne parfaitement le déroulement de cette épopée. On aime ou on aime pas. J'aime. Crom aime.


Des décors et des paysages qui forgent le voyage de Conan
L'histoire se passe entre l'époque ou les océans burent Atlantis, et l'avènement des fils d'Aryas. Vous situez ? Géographiquement, on parle d'un Cimmérien qui se fait enlever et emmener on ne sait trop où. On sait vaguement qu'il passe à Zamora, et encore faut-il se renseigner hors des films. En gros, si on se cantonne au film, tout se passe dans des forêts, des prairies, des montagnes, des plages, et des villes, c'est pas hyper précis ; c'est à peine si ça donnerait une idée.
Pourtant, on profite de paysages et d'espaces qui transforment la vie de Conan en un voyage homérique.


Des acteurs simples, pour un jeu simple
John Milius a choisi la même philosophie, pour son casting, que Jacques Bouillon dans le sketch de Raoul le Boulanger des Inconnus : un acteur sans expérience, vierge de toute inspiration cinématographique... J'éxagère un peu, mais dans l'idée, c'est ça. Le trio d'acteur est jeune et sans vraiment d'expérience. Subotaï est un "ami" du réalisateur qui prendra 6 mois de cours d'art dramatique pour savoir le minimum des bases. Arnold, lui, a été recruté pour ses muscles après Pumping Iron... Et ils les font cohabiter avec Max Von Sidow et James Earl Jones. Niveau écart de niveau, on fait difficilement mieux.
Mais dans l'histoire, Conan est un bon gros barbare qui a été "éduqué" plus à se battre qu'à parler. Subotaï et Valeria sont des petits voleurs de grands chemins. C'eut été dommage de faire jouer ces rôles à des grands spécialistes de Shakespeare. Ils ne peuvent pas jouer moins bien les simplets, ils sont simplets (d'un point de vue cinématographique, bien entendu).
Pour l'anecdote, j'avais lu quelque part que Dino de Laurentiis ne voulait pas de Schwarzenegger au début. Que son accent allemand et son manque d'expérience ne le rassurait pas sur le plateau. Il aurait demandé à ce qu'Arnold n'ait que le minimum à dire. Et, vrai ou pas, en tout cas, le constat est bien que Conan ne prononce quasiment rien pendant le film.
Conan et Valeria, qui passent quand même un bon moment ensemble dans tout le film ne se parlent qu'à une seule occasion, et ce n'est pas vraiment du Audiard : "-Tu es un garde ? -Non." Court, simple, efficace :)


Conan le philosophe. Malgré lui.
En fait, ce film fait passer son message sans besoin de tout expliquer. Les seules paroles qui mènent à réfléchir sont les paroles de Thulsa Doom sur la puissance de la Chair face à l'Acier, et les réflexions du roi Osric, emplies de désespoir.
Le contraste avec l'approche enfantine de Conan est saisissant, et c'est là toute l'essence du film, à mon avis.
Même le passage avec la sorcière, ou la scène la plus inutile du film, a un sens lorsque l'on se penche un peu sur ce qu'à voulu présenter le réalisateur à travers son barbare.
Et puis c'est un pamphlet contre la violence faite aux animaux : entre le serpent qui se fait ouvrir en deux, et le chameau qui se prend une patate dans la tronche, on fait mieux pour être reconnu par la PETA !


Comme quoi l'histoire ne fait pas tout, et n'est même pas toujours nécessaire.
Il y a des films dont l'histoire est parfaite, originale, claire mais assez complexe pour laisser en haleine... Des histoires qui marquent. Mais elles ne font pas pour autant toujours un grand film. Si la réalisation vient tout gâcher, c'est... disons du gâchis.
Et il y a les films qui misent tout sur le côté visuel et sonore, sans pour autant chercher à trop pousser dans la réflexion le spectateur. Je ne parle pas obligatoirement d'effets spéciaux à couper le souffle, de techniques sur-réalistes ou de déluges de décors somptueux.
Je parle d'art visuel, d'art musical, d'art de la scène.


Il y a pour moi une scène toute particulière dans tous les films que j'ai vu qui représente bien cet esprit de "pour l'amour de l'art" : c'est le générique du film Dirty Harry. C'est une sorte de jeu de plans sur Harry qui marche, avec toutes les plongées, contre-plongées et cadrages qu'une caméra puisse supporter, le tout accompagné d'un thème de Lalo Schiffrin qui parfait le tableau.


Et bien Conan le Barbare, c'est un film entier dans le même esprit.
De l'Heroic Fantasy "before it was cool", sans profondeur scénaristique, mais avec une vraie réflexion possible [mais pas imposée !!] le tout magnifié par une réalisation et une composition au poil. Un nappage de musique pour équilibrer le tout, et vous avez un succulent opus.


La recette ne prend pas toujours...
Qui en reprendra ? Vous n'êtes pas obligé. Les suites sont moins bien. Le Destructeur est sympa, mais tout ce qui faisait le charme du Barbare est un peu perdu par Fleischer, et Poledouris ne reproduira pas la même surprise que dans le premier. Quand à Red Sonja, même réalisateur que le Destructeur, donc même problème : on reste sur du bourrinage bien moins intéressant pour moi. Même avec Morricone derrière les scores, on ne touchera pas du bout des doigts la singularité de Conan le Barbare.


Louez donc Conan le Barbare (je veux dire, faites en les louanges, mais achetez le, il faut l'avoir dans une vidéothèque !) et répandez le secret de l'Acier autour de vous. Crom sera fier de vous, et vous ne risquerez plus d'être jeté hors du Valhalla.

zgouingo
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le 13 mars 2018

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