C’est grâce à cette Confession d’un cannibale, aka Grimm Love, que Martin Weisz a été repéré par Hollywood et chargé de superviser La Colline a des Yeux 2 version post-Aja. A la vue de Grimm Love, ce n’est pas étonnant : Martin Weisz est un metteur en scène talentueux, il sait aguicher et racoler comme il faut, mais au-delà de la parade, il n’y a rien d’autre que de l’entertainment à gros sabots.
Confession d’un cannibale, baudruche « based on a true story » fardée de toutes les lourdeurs dans ce registre, s’inspire de l’affaire Armin Meiwes, un cannibale allemand qui mutila puis dévora, blotti dans un donjon champêtre abandonné, un volontaire contacté par internet. Pour avancer en douceur vers l’horreur tant convoitée, Martin Weisz convoque une étudiante en psychologie lancée sur les traces du tueur cannibale, sur le prétexte d’une thèse de fin d’année à présenter.
Qu’on se le dise tout de go : Weisz et son équipe sapent totalement leur merveilleux sujet. Alors que leur approche est extrêmement démonstrative, ils sont incapables de franchise, n’assument rien de la violence qu’ils titillent sans cesse et traitent le fait repris comme un poids mort, un leitmotiv creux qu’il s’agit simplement d’illustrer avec quelques effets bourrins et un tandem d’expérimentateurs résignés à leur sort. Ce qui devrait être une irruption de l’horreur dans la réalité n’est qu’un événement planifié, voué à susciter quelques frissons ; et le traitement est tel, à ceci près qu’on ne saura rien de ce que ressentent les personnages.
Le vrai drame du film, c’est sa conception des méandres de la psychologie humaine. Dès le début le scénario semble sorti de l’esprit d’un petit enfant réalisant que les individus ne sont pas toujours ce qu’ils semblent et croyant cerner la complexité par la mystification ringarde ; ça se veut étrange mais c’est pauvre et transparent comme le serait un essai d’adolescent sur les cas cliniques (sauf que n’importe quel adolescent a suffisamment de zèle pour au moins rendre l’inspection enflammée). Ô peut-être dans le fond, sommes-nous des monstres ; peut-être chacun de nous a-t-il des pulsions sales ou des envies socialement impossibles à assumer : voilà où se situe le niveau. En dresser le compte-rendu est plus drôle qu’affronter l’objet.
Quand au cannibale, il apparaît sous la forme d’un enfant attardé et glauque (puis d’un homme introverti et sinistre) comme le rayon "horreur primale" en connaît des légions. C’est une espèce de grand gamin, un maso gay éternellement soumis à sa mère ; Weisz ne perçoit même pas son cannibalisme comme l’unique moment de puissance de sa vie, alors que c’était là qu’il pouvait trouver matière à percuter, lui qui rêve si ostensiblement de stimuler le pathétique potentiel de chaque scène. Anecdote, ce sont les femmes autour du cannibale qui attisent le plus d’attention, pour leur tentative de comprendre le vide, de l’arracher à sa torpeur (l’amie lorsqu’il est jeune adulte).
Mais le film est incapable de se détacher des sentiers battus ; d’ailleurs le célèbre fait divers en question ne sert que comme caution d’originalité, de même que le folklore allemand en arrière-plan apporte un zeste d’exotisme paillard. Il faut dire que le cinéma underground s’est très vite emparé des mythes à la Ed Gein et autres psychopathes perdus en province rurale ; certains n’ont pas su dépasser cette imagerie d’Épinal de l’horrifique par la dévastation psychique. Confession d’un cannibale en est un parfait exemple. Le film s’en tire avec quelques scènes démonstratives de ses névroses et de ses clivages, séquences d’une banalité à toute épreuve et racoleuse pour peu, mais à la hauteur d’un épisode des Esprits Criminels consulté à l’arrachée. Tout ça est bien niais et la photo lugubre ne suffit pas à faire illusion. Weisz n’est tout simplement pas à la hauteur d’un grand sujet ; il aime le pittoresque mais ne comprend rien ni à ce qu’il raconte ni à ce qui l’excite.
Voilà un programme puéril et criard où des techniciens et un réalisateur jouent à se faire peur, empruntent des manières, cherchent à créer des ambiances… Il s’agirait d’inventer un fond et d’avoir des envies de formes au-delà de l’aspiration à s’extasier sur un drame imminent en jouant les nitouches affolées mais fatalistes. Le film ne montre rien de valable, mais flirtera avec la débauche sans vergogne et imitera l’empathie et les mouvements dramatiques. En vérité, il joue avec la curiosité morbide avec un cynisme total, n’ayant d’égal que sa naïveté, sa bêtise candide. Son regard objectiviste est incompatible avec une immersion authentique, coriace ou même séduisante.
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