Sorti quatre ans après Who Framed Roger Rabbit (Robert Zemeckis, 1988), Cool World reprend à son compte l’idée de mêler les prises de vue réelles à l’animation, au sein d’un récit similaire – un détective tombe sous le charme d’une créature de rêve et tente de faire la lumière sur un mystère impliquant la réalité et la fiction – qui prend le contre-pied de son aîné en ce qu’il entendait lui imposer un traitement horrifique refusé par les producteurs. Le résultat est terriblement irrévérencieux, se complaît dans le mauvais goût et la vulgarité, explicite sa débauche par des blagues vaseuses, des sous-entendus criés haut et fort. Il ne s’agit plus d’enquêter sur la disparition d’un homme causée par un toon mais de représenter un autre interdit, de l’ordre du tabou : la relation sexuelle, sans cesse repoussée mais qui advient pourtant, entre un « noid » (un être humain) et une femme dessinée, qui les transforme tous deux en entités intermédiaires, égarés entre deux mondes inconciliables.
Cette transgression interroge le fantasme de l’artiste face à sa création, donnant une visibilité à tout un pan de la bande dessinée pour adultes tant américaine qu’européenne où le beau sexe sert de support aux projections créatrices et obscènes de la gent masculine. La figuration d’une Babylone moderne en lien avec le monde du spectacle – tournage à Las Vegas, fausseté des décors évoquant Hollywood – se complaisant dans le vice emprunte aux imageries de science-fiction apocalyptique d’œuvres aussi variées que Blade Runner (Ridley Scott, 1982) ou que les magazines Mad (William Gaines et Harvey Kurtzman, dès 1952) ou Métal hurlant (dès 1975) ; elle permet également à l’actrice Kim Basinger de jouer avec son image sexy issue notamment de 9½ Weeks (Adrian Lyne, 1986). Fait d’outrances et de visions puissantes, Cool World mérite reconsidération compte tenu du lynchage médiatique et critique qu’il a subi à sa sortie.