2021 aura vu les sorties sacrifiées des deux derniers films de Joe Carnahan. Deux petites productions portées l’une et l’autre par Frank Grillo, également co-producteur, et sorties en catimini sur la plateforme paresseuse d’Amazon. Serait-ce à dire que les deux films étaient si nuls qu’ils ne méritaient pas une sortie en salles ou bien simplement que l’industrie cinématographique va si mal qu’elle ne rentabilise plus ses productions que sur la fidélité d’un public adepte des franchises et des revivals surfriqués ? Bref, Covid et politique sanitaire oblige, Copshop fait lui aussi partie des films bazardés en vod deux piges après sa production. Et si le procédé était quelque peu injuste sur Boss Level qui aurait bien mérité une sortie en salles, Copshop lui, se prête plus au cinéma de salon au format XXL Panasonic.
Valerie Young (Alexis Louder) est une agent de police qui se fait un peu chier dans son bled du Nevada, un coin de désert perdu où il se passe moins de choses que dans un patelin tarnais. Tuant le temps en taquinant sa pétoire jusqu’à rêver d’appuyer sur la gâchette, elle tombe un jour sur Teddy Murretto (Frank Grillo), un fuyard chelou qui lui colle sans raison une droite digne d’une gifle de Lino Ventura. Le malotru est bien sûr escorté jusqu’à sa cellule, au sous-sol d’un commissariat isolé entre deux villes, et croit bêtement y être à l’abri. Car le gonze a un contrat sur la gueule et un certain Bob Viddick (Gerard Butler), un tueur particulièrement redoutable, est lancé à ses trousses. Ce dernier a d’ailleurs la même idée que sa cible et joue les chauffards biturés pour se retrouver enfermé dans la cellule voisine. Là, fuyard et tueur se causent tandis que la fliquette subodore l’imminence d’un massacre qui va s’abattre sur le commissariat. Car un second tueur à gages, un rien déluré, entre bientôt en scène.
Vous l’avez compris, Copshop est un polar criminel qui vire très vite à l’affrontement en huis-clos et joue pleinement la carte de la violence décomplexée, humour noir à l’appui. Les répliques incisives fusent aussi bien que les balles et les dead men walking s’accumulent aux quatre coins du commissariat. Rien de bien innovant, chaque personnage secondaire est un mort en sursis et Carnahan ne s’intéresse en fait qu’au triangle d’ambivalence liant ses trois protagonistes. Incapables de s’accorder la moindre confiance mais obligés de s’entraider, les trois trimards se vannent pendant trois bons quart d’heures avant d’affronter un tueur aussi fantasque que dérangé, sorte de gai-luron psychopathe à moustache, très loin du cliché du tueur ultra-baraqué.
L’exercice semble finalement assez banal dans son développement mais ne l’est pas tant que ça dans sa finalité. Je ne l’avais pas compris à l’époque de Mise à prix mais Carnahan se révèle toujours très habile quand il s’agit d’orchestrer un joyeux jeu de massacres en jouant pleinement de l’ambiguïté de ses personnages. Pas de référents évidents pour le spectateur dans cette histoire, seulement trois anti-héros prisonniers de leurs propres rôles (la flic tenace, le tueur implacable, le voleur sans morale) et incapables de trouver le moindre terrain d’entente. Et face à eux, la parodie délirante d’un psychopathe qui, s’il n’a clairement pas la gueule de l’emploi, accumule tout de même à lui-seul un beau bodycount. Le scénario va jusqu’à pousser l’ironie en faisant de son héroïne, au départ présentée comme une vraie cowgirl à la gâchette facile (voir comme elle aime jouer à dégainer son arme), la seule garante d’une certaine justice.
Mais si Carnahan excelle toujours à démolir les certitudes de son public jusqu’à nous surprendre dans la finalité de ce triel, son scénario pâtit cette fois de lacunes un peu trop voyantes pour être sagement ignorées. A savoir quelques facilités et personnages facilement sacrifiables et un deus ex machina prévisible sans être réellement justifié. Le réalisateur se rattrape en comptant sur les qualités de jeu de sa brochette d’acteurs (Frank Grillo, Gerard Butler, la jeune Alexis Louder et même Toby Huss, tous sont excellents) et sur ses talents de formaliste, le film se révélant particulièrement soigné dans sa mise en scène et remarquable dans sa gestion de la topographie de sa principale unité de lieu (d’un étage à un autre, on sait toujours qui se trouve où dans le commissariat).
Pas un grand film donc, faute d’innovation, mais un bon petit polar survivaliste aux accents grindhouse et aux sursauts de cruauté surprenants. Carnahan fait le job et trace tranquillement sa route, loin des grosses machines boursouflées du cinéma de recyclage actuel.