Le Making Ouf

Pour être parfaitement honnête un film comme Coupez ! est exactement le type de remakes que j'ai envie de condamner par avance. Effectivement parmi tous les types de remakes existants, je n'ai jamais compris l'intérêt de refaire un film qui n'avait aucunement besoin d'être dépoussiéré. Je condamne presque par a priori et systématiquement le fait de refaire un film quasiment sous le seul prétexte qu'il vient d'une autre culture. Cette petite précision étant faites j'étais pourtant paradoxalement très curieux de voir ce que Michel Hazanavicius était capable d'apporter au film d'origine, d'autant plus que le réalisateur du génial OSS 117 n'a plus grand chose à démontrer de ses qualités de metteur en scène et d'auteur de comédies à la fois drôles et intelligentes.

Coupez ! est donc le remake du film japonais Ne Coupez Pas ! de Shinichiro Ueda sorti en 2017 et on retrouve forcément cette même histoire autour des coulisses d'un moyen-métrage d'horreur tourné en plan-séquence et en direct pour le lancement d'une plate-forme de streaming. Diviser en trois actes distincts nous verrons donc le film en lui-même, puis les coulisses de sa préproduction avant d'assister finalement à son tournage catastrophique.

Forcément il faut d'emblée accorder et reconnaître au film original toute l'intelligence et l'originalité du concept et de sa mécanique absolument imparable. Mais Michel Hazanavicius apporte aussi sa petite touche personnelle en incluant le film original dans son propre récit tout en s'interrogeant sur la question même du remake. Le film se décompose donc en trois parties qui demanderont aux spectateurs une légère gymnastique intellectuel puisque toute la première partie ne révèlera sa saveur et son plein potentiel comique qu'à travers le tout dernier acte qui va éclairer sous un nouvel angle de compréhension toutes les errances et les ratés de cette série Z fauché et maladroite mais dont on comprendra in-fine la sincérité et la générosité.

Forcément la mécanique un peu éventée du fait que le film soit un remake et par la présence de stars pas vraiment habituées à la série Z empêche de croire pleinement à la toute première partie du film, mais est ce vraiment grave finalement ? Cette dernière partie aboutissement de tout et qui paradoxalement ouvre le film fonctionne plutôt bien sur le registre qu'il emprunte et les amateurs de séries B et des séries Z, de petits films fauchés et de zombie low coast s'amuseront beaucoup de ces trente minutes en plan-séquence totalement bis et foutraque. La seconde partie qui raconte la genèse du projet, sa production, sa mise en place et ses enjeux nous offrira une nouvelle fois de jolis moments de comédie et de cinéma avec notamment un nouveau et formidable plan séquence autour une réunion de travail. Mais c'est bel et bien dans son dernier acte et dans son tournage vu du côté des coulisses que Coupez ! va totalement décoller et devenir vraiment jubilatoire tout en parvenant, comme le faisait le film japonais, à rendre en touchant et formidable hommage à la générosité, la solidarité, la folie et la passion de celles et ceux qui se battent avec énergie afin de faire des films aussi mauvais soient-il. Michel Hazanavicius parvient donc à rendre hommage autant au film de Shinchiro Ueda qu'à tout un pan de cinéma bien souvent méprisé par la production, la critique, le grand public et la profession en France.

Coupez ! est une formidable comédie magnifiquement écrite, brillamment interprétée et une nouvelle fois parfaitement maîtriser dans sa mise en scène faisant de Michel Hazanavicius l'un des biens les plus précieux pour la comédie hexagonale. La mécanique imparable du film, la qualité de l'interprétation, le tempo sans faille de la comédie font de Coupez ! non seulement un excellent remake mais tout un excellent film tout court. L' intelligence de Coupez ! même si encore une fois tout le mérite revient au film d'origine, est de monter crescendo pour un bouquet final qui ne pourra se savourer qu'à travers les souvenirs des deux actes précédents. Tout ce qui nous semblait délicieusement crétin et mal foutu en regardant la première partie restera toujours aussi con mais trouvera soudainement une justification par l'anarchie chaotique et hilarante de ce tournage épique. Michel Hazanavicius soigne une nouvelle fois son casting et nous offre rien de moins qu'un sans faute tant chacun semble être à sa place. Romain Duris est excellent en metteur en scène à la fois généreux et désabusé, Bérénice Béjo est très drôle en comédienne prenant son rôle bien trop pas cœur, Matilda Lutz est très drôle en scream queen, diva des réseaux et mauvaise actrice de série Z, Finnegan Oldfield incarne avec délectation un acteur prétentieux voulant absolument insuffler du sens et de la revendication politique dans son personnage et Grégory Gadebois est hilarant en acteur un peu trop porté sur la bouteille. Absolument tout le casting est à saluer jusqu'au moindre petit second rôle avec Sébastien Chassagne, Raphaël Quenard, Agnès Castel et bien sûr Jean Pascal Zadi absolument génial un preneur de son tout aussi con qu'enthousiaste et totalement perdu dans le chaos. Chacune de ses apparitions et l'assurance d'un franc sourire.

Incontestablement avec Coupez ! Michel Hazanavicius nous offre une nouvelle fois une formidable comédie et un film absolument jubilatoire. Si le réalisateur avait pu revendiquer toute originalité du concept le film aurait mérité pour moi une note bien supérieur. Mais tout remake qu'il soit Coupez ! se place d'emblée dans ce que la comédie française nous a offert de meilleur ces dernières années. C'est drôle, c'est gore, c'est intelligent, c'est formidablement mis en scène Vivhazanavicius !!