Coupez ! par Altay

Remake français de l'excellent Ne coupez pas !, de Shin'ichiro Ueda, par Michel Hazanavicius. J'ai des a priori négatifs concernant les adaptations occidentales de cinéma asiatique (en particulier coréen et japonais) mais Hazanavicius est un bon cinéaste donc il faut laisser sa chance au produit.

Alors oui, je trouve que l'adaptation est bien fichue, à la fois dans la continuité de l'original tout en replaçant le scénario dans le contexte culturel français. Il y a quelques trouvailles que j'ai bien aimé, comme

mais aussi l'ajout de Fatih, le musicien/bruiteur, incarné par le souvent drôle Jean-Pascal Zadi qui n'a pas d'équivalent dans le scénario de base.

Ceci étant dit, la magie fonctionnait dans Ne coupez pas ! grâce à son statut de film indépendant, à la limite de la production amateur. Hazanavicius ne joue absolument pas dans la même cour et son remake, doté d'un budget cent fois supérieur à l'original, manque beaucoup de charme. Ici, la photo est trop propre et les comédien⋅nes trop connu⋅es. On sait que c'est un film, qui plus est regroupant plusieurs personnalités en vogue du cinéma français. Du coup, les erreurs sautent aux yeux mais le public est conscient qu'elles sont volontaires. Elles ne peuvent que l'être ! En fin de compte, l'ensemble fait « faux », presque pastiche, là où l'original laissait planer le doute : qu'est-ce qui est fait exprès et qu'est-ce qui est accidentel ?

Côté casting, c'est hit and miss. Je trouve que Romain Duris est souvent à côté de ses pompes et a du mal à sortir le même enthousiasme chaotique que Takayuki Hamatsu en réalisateur médiocre. Les membres du trio de tête (Finnegan Oldfield, Bérénice Bejo et Matilda Lutz) font du bon boulot, même si le texte écartèle parfois leurs personnages dans des directions un peu confuses. Côté personnages secondaires, ça ne force pas beaucoup, notamment pour Gadebois, Zadi, Chassagne et Quenard qui jouent... la même chose que d'habitude, chef. Les changements dans le scénario et dans les dialogues m'ont semblé superflus à plusieurs reprises, laissant une impression de personnages plus lisses, plus consensuels et moins anguleux.

À la réflexion, je trouve en fait qu'il y a quelque chose de prétentieux à vouloir refaire ce film en singeant son aspect cheap. Dans Ne coupez pas !, la débrouille est un nécessaire. Le film transpire l'amateurisme parce que c'est un premier long-métrage, fauché, techniquement sous-équipé. Voir Hazanavicius et ses potes débarquer avec près de cinq millions d'euros pour refaire le film en bien mieux, puis lui ajouter un vernis « bricolé » fait malhonnête. Coupez ! m'a par moments donné l'impression de voir une bande de premiers de la classe faire les idiots, dans le luxe et le confort, sachant pertinemment qu'au pire ils n'auront fait que s'amuser, sans risquer de conséquence négative grâce au filet de sécurité offert par leurs carrières respectives.

Pour résumer, même si j'ai passé un bon moment devant Coupez !, j'aurais apprécié un peu plus d'humilité. Le remake force le trait et si j'avais dû le confier à quelqu'un, j'aurais préféré dénicher un⋅e réal moins connu⋅e, avec moins de budget et moins de star talent, pour faire honneur à l'original. Ça reste quand même une bonne adaptation qui mérite d'être regardée si on est allergique à la VOST ou au cinéma japonais.