Le film sans lequel Johnny Depp n’aurait pu avoir la carrière que l’on sait. Idole des minettes avec 21 Jump Street, l’acteur saute sur l’occasion de tourner sous la direction de John Waters, le pape du trash, et ainsi casser cette image lisse qui le rebute. Le résultat dépassera toutes ses espérances. Après Pink Flamingo et Hairspray, John Waters affine en effet son style, tout en bénéficiant d’un budget plus confortable ; les idées irrévérencieuses sont les mêmes, les moyens en plus. On retrouve donc une satire de la société américaine puritaine toujours aussi vive et un amour pour les marginaux intact. Avec son mauvais goût légendaire et une grande maîtrise de la cinématographie, John Waters réalise son West Side story sur le mode rock’n’roll : c’est drôle au second degré, échevelé, kitsch, parfois complètement con mais unique en son genre. Et contre toute attente, Johnny Depp se fond à merveille dans l’univers décalé de Cry-Baby. En dépit de son charisme évident, l’acteur a la bonne idée de s’effacer au profit d’une galerie de seconds couteaux magistrale (Iggy Pop, Traci Lords, Polly Bergen, Susan Tyrrell, Kim McGuire). Comme à son habitude donc, John Waters signe une œuvre gratuitement outrancière, néanmoins remplie d’une certaine douceur à l’égard des personnages qui peuplent son monde. Peut-être le dernier film où le réalisateur était réellement inspiré.


Clin D'œil :
Le making of intitulé C’est venu de Baltimore revient sur les méfaits de toute l’équipe pour tourner ce monument. Comment John Waters a présenté son pitch aux producteurs hollywoodiens à l’aide de photos pêchées dans un livre pornographique gay ; comment Traci Lords a dû se défaire du FBI suite à sa carrière dans le X en tant que mineure ; comment Johnny Depp a failli se mettre dessus avec l’acteur Stephen Mailer ; comment Amy Locane n’a pas apprécié devoir faire le vol plané à la fin du film, etc. C’est très sympathique à visionner, très léger grâce à la bonne humeur de John Waters. De fait, le commentaire audio, toujours assuré par le réalisateur, semble un peu redondant. Les scènes coupées n’apportent pas grand-chose, à part de voir Traci Lords posée dans un verre à champagne géant.


On peut dire que la carrière cinématographique de Johnny Depp débute vraiment en même temps que les années 1990. Bien sûr, déjà en 1985, il apparaît dans le premier volet de Freddy (Les Griffes de la nuit de Wes Craven) mais le pauvre garçon est tué par ledit Freddy Kruger.On le voit aussi dans Platoon (Oliver Stone, 1987) mais il ne faut pas oublier qu'il n'a que quelques brèves répliques. En réalité, c'est la série 21 Jump Street (Stephen J. Cannell et Patrick Hasburgh, 1987-1991) qui le fait connaître du grand public, en tant que minet bien peigné.


La suite, on la connaît : Edward aux mains d'argent (Tim Burton, 1991) annonce le programme de son parcours parsemé de longs-métrages déjantés. Et, avant ce film, en 1990, Cry-Baby : une comédie romantique, certes, mais réalisée par John Waters, figure essentielle du cinéma transgressif américain (Mondo Trasho en 1968, Pink Flamingos en 1972...).


Depuis, on le sait : Johnny Depp aime les réalisateurs singuliers qui ont le goût de l'étrangeté ; ceux-ci le lui rendent bien en lui ayant offert de sacrés rôles. Que cela soit avec Tim Burton dont il est devenu l'acteur fétiche ou Emir Kusturica (Arizona Dream, 1993) en passant par Terry Gilliam (Las Vegas Parano, 1998), à travers des transformations physiques impressionnantes ou des personnages souvent loufoques, Johnny Depp a toujours tordu cette image de « poster-boy » qu'il aurait pu se contenter d'être.


Et, en réalité, Cry-Baby est le premier long-métrage qui a permis à l'acteur de s'affranchir de ce profil de sex-symbol tout lisse. Même s'il y figure toujours en minet (veste en cuir et gominé), le film se moque de lui-même, du moins de l'image qu'il renvoyait jusque-là dans la série 21 Jump Street.


Cry Baby est bel et bien un film charnière dans le parcours de Johnny Depp.

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le 6 avr. 2020

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Blockhead

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