Cry Wolf
5.3
Cry Wolf

Film de Jeff Wadlow (2005)

Petit film d’horreur américain, Cry Wolf a bénéficié de bons échos lors de son passage au festival de Gérardmer. Dans la veine des Slashers les plus classiques, Cry Wolf narre l’histoire d’une bande d’adolescents – légèrement moins débiles que dans le pathétique Souviens-toi l’été dernier, il faut bien l’avouer – qui ont maille à partir avec un tueur en série sévissant dans leur lycée. L’intérêt de ce film réside principalement dans le choix fait par le réalisateur d’utiliser l’adolescence comme facteur de créativité et de tourmente psychologique pour construire son récit. En effet, l’irruption du serial killer au sein du lycée ne prend nullement sa source dans le monde extérieur, dans le monde réel : ayant eu vent d’un crime perpétré non loin de là, cette bande d’ados décérébrés choisit de faire courir le bruit qu’un tueur habillé d’une cagoule orange, « The Wolf », sévirait dans le quartier et ferait partie de l’école.


Le tueur n’existe donc tout d’abord que dans la tête des jeunes ; il est le fruit de leur imagination. Pour cette raison, à l’image d’Urban Legend, Cry Wolf se pose comme une (petite) réflexion sur la réalité et la fiction. Le fondement sur lequel le récit s’appuie est l’idée bien connue selon laquelle le vrai peut être le produit de l’imaginaire et le réel le résultat de la croyance et de la foi. Bien entendu, il ne faut pas en conclure trop rapidement que Cry Wolf fait montre d’une créativité particulière ; ce film reste avant tout un teenage movie ultra classique et extrêmement codifié.


Dans cette optique, ce petit film d’horreur pour adolescent n’est pas tout à fait désagréable à regarder. Sans être prétentieux, Cry Wolf est réalisé avec un certain sérieux et se place d’emblée au-dessus des Slashers minables réalisés ces dix dernières années, que ce soit Souviens-toi l’été dernier ou Mortelle Saint-Valentin. Le réalisateur Jeff Wadlow fait montre d’une certaine intelligence dans la manière de manier son récit. Bien que la plupart des scènes pseudos horrifiques ne parviendraient pas même à faire sursauter un bataillon de grands-mères et de nouveaux-nés réunis, la première partie de Cry Wolf se regarde avec un certain plaisir dans la mesure où l’intelligence du scénario le sauve de la médiocrité. Sans parvenir à égaler le brio de Wes Craven (réalisateur par ailleurs très surestimé) lorsque celui-ci s’est efforcé de théoriser les codes du film d’horreur dans sa trilogie des Scream (les Scream constituent d'ailleurs une référence ambiguë : ils sont à la fois les réflexions les plus poussées d’un réalisateur d’horreur sur son propre matériau d’expression et le chant du cygne pour le genre du film d’épouvante), le réalisateur Jeff Wadlow parvient à tirer son film de l’anonymat, d’une part en insistant sur les liens unissant la réalité et la fiction et, d’autre part, en utilisant la tourmente psychologique propre à l’adolescence comme socle fondamental de son récit.


Toutefois, et c’est précisément le défaut majeur du film, le rebondissement final est d’une remarquable stupidité. Au lieu de développer son idée principale, le metteur en scène s’égare et achève son film d’une manière théâtrale, irresponsable, et totalement incohérente par rapport au début du récit : alors que rien ne le laissait prévoir, le réalisateur choisit d’insister sur la façon dont une jeunesse perdue peut être dépassée par ses canulars et son propre déni du réel. Ainsi, le réalisateur choisit consciemment de tourner le dos à ce qui faisait l’originalité de son film, et achève son récit d’une façon idiote et complètement invraisemblable. Au lieu de développer sa réflexion sur les liens unissant la réalité et la fiction, le réalisateur prend pour cible l’adolescence et concentre toute son attention sur l’un des personnages. Ainsi, au lieu de montrer comment la réalité peut être la résultante de la fiction, laquelle n’est finalement rien d'autre qu’une théorisation du mensonge, Wadlow tourne le dos à son propos et achève son film d’une façon convenue, à l’aide d’un énième rebondissement qui, au final, démolit très largement ce qui faisait l’intérêt du récit.


Ainsi, il faut reconnaître que Cry Wolf, malgré un début tout à fait correct, ne tient pas franchement la route. L’un des principaux points noirs de ce film réside dans son casting : certains acteurs sont dramatiquement mauvais. De plus, malgré un point de départ intéressant, on aurait souhaité un peu plus d’originalité dans le traitement des différents personnages, qui ne sont souvent que de pures caricatures. Enfin, Cry Wolf manque vraiment de scènes d’épouvante dignes de ce nom : montrer un type en cagoule orange se baladant dans la bibliothèque du lycée après les heures de fermeture a rarement fait trembler les foules.

Blockhead

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