Le roi des cons
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le 6 mars 2015
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10
On a tous un film qui, systématiquement, nous laisse en larme après chaque visionnage. Pour moi, ce film, c'est Cyrano de Bergerac.
La raison de mes larmes n'est pas à chercher dans la réalisation de Jean-Paul Rappeneau, ni même dans les vers magnifiques d'Edmond Rostand. Non, il s'agit plus simplement du personnage principal. Cyrano de Bergerac, incarné par un Gérard Depardieu décidément aussi bon acteur que monstrueux hors caméra, est un personnage superbe qui aurait pu être conçu pour moi. En effet, il est admirable car c'est un esprit libre, une fine lame et un poète remarquable et que, d'une manière générale, un bon adjectif pour le décrire pourrait être "grandiose". Ces traits me font admirer Cyrano, j'aimerais avoir ses qualités. Mais cela n'est que la surface. Cyrano est aussi un homme laid, qui ne s'aime pas, qui se pense indigne d'être aimé sous prétexte qu'il a un long nez. Comme l'a dit le réalisateur dans une interview : « Son nez, il l’a autant à l’intérieur qu’à l’extérieur ». Ces défauts me parlent, eux aussi. Longtemps, ils ont été les miens (à défaut de m'embellir, j'apprend à faire avec). C'est pour ces raisons, parce que je me suis très fortement identifié à Cyrano, que la fin me faisait systématiquement pleurer.
Du reste, on sent dans la réalisation de Rappeneau tout son amour pour la pièce originale. Par le choix de garder les vers de Rostand, évidemment, bien que ceux-ci aient été adaptés, mais aussi dans la réalisation. Les monologues sont filmés très simplement, comme pour laisser aux vers toute la place dont ils ont besoin pour résonner. Le film compte de nombreux moments de grâce, à commencer par la fameuse scène du balcon mais aussi par exemple la tirade du fifre, ou bien la tirade de Cyrano concernant sa liberté à laquelle son ami répond : "Fais tout haut l'orgueilleux et l'amer, mais tout bas dis moi tout simplement qu'elle ne t'aime pas".
On sent d'ailleurs que la réalisation de ces tirades a plus intéressé Rappeneau que celle des scènes de combat, à l'exception bien sûr du premier duel durant lequel Cyrano clame une balade en même temps qu'il se bat. Volontairement peu lisibles (ce qui est par ailleurs la seule façon de rendre crédible un combat à un contre cent), les affrontements semblent n'être là que parce qu'ils sont nécessaires et s'achèvent assez vite, sans réelle conclusion. On n'en a le véritablement dénouement qu'en retrouvant les personnages dans les scènes suivantes. Cela peut aussi venir d'un manque de budget, mais quand bien même ce serait le cas, le résultat est le même : au diable le sang, écoutez ces vers !
L'admiration de Rappeneau, c'est aussi le personnage du petit garçon avec lequel on pénètre dans le film et que l'on revoit plusieurs fois. Absent de la pièce, ce garçon qui admire Cyrano est une incarnation du réalisateur et des spectateurs. On l'imaginerai presque pleurer avec nous, à la fin du film.
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Créée
le 26 juil. 2023
Critique lue 11 fois
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