Cyrus fera partie des bonnes surprises de 2010 dont je me souviendrai avec émotion. Là où une petite poignée d'incongrus sortent du lot (Bad Lieutenant, Sexy Dance 3d, The Ghost-Writer) et où les irréductibles ne faiblissent pas (l'Uncle Boonmee de Weerasethakul, le Toy Story 3 de Pixar) Cyrus s'impose simplement et sans détour, comme une comédie, à peine une comédie en fait, sans grande aspiration, sans rêve de gloire, sans solennité inappropriée. Figure du mythique looser qui traverse le cinéma US depuis les années '80 en somme, John C. Reilly a, après 7 ans, encore du mal à se remettre de son divorce. Coup de bluff incroyable de l'univers : une splendide femme de son âge s'intéresse à lui. Il ne manquait plus que ça à John pour espérer être heureux et s'extirper du "grand chaos existentiel" qui était devenu sa demeure. Qu'on se le dise, de nos jours l'épanouissement ne peut naître que d'une relation amoureuse, ça t'aidera à t'accepter, et plus personne ne s'épuisera à faire le chemin inverse : se découvrir (pourtant John dit se connaître par cœur, bouleversante confidence à une inconnue qui préfère aller téléphoner) pour espérer pouvoir aimer.

Toujours cette idée de seconde chance du quadra' arnachée à une nouvelle réalité sociale de plus en plus prégnante qui fait contrepoids : le personnage de Cyrus a bientôt 22 ans mais ne sait comment quitter sa mère et sa maison, materné jusqu'à la psychose. Et là où on pouvait s'attendre à de sempiternelles querelles entre les deux personnages infantilisés, bagarres et mensonges éhontés, Cyrus et John vont pourtant essayer de s'entendre, de collaborer. Les soupçons sont grands, mais la belle relation entre John et le personnage de Marisa Tomeï s'épanouit justement et avec confiance. Ce n'est que pour une bête histoire de vol de baskets que tout va déraper, que la petite sphère familiale bricolée va imploser. Cyrus et John se détesteront férocement mais en adulte, en essayant d'en discuter et surtout de le garder pour eux. Finesse et douceur d'un film aux enjeux qui tiennent du lieu commun et pourtant. Le dialogue prend la place de la dispute et du dérapage, et malgré l'angoisse et cette façon de se jeter dans le vide, de tout faire à l'excès pour qu'une relation fonctionne, on reste dans la négociation constante pour trouver un terrain d'entente, une façon sûrement dysfonctionnelle mais assez satisfaisante de vivre ensemble.

Délesté de beaucoup d'âneries qui empoisonne parfois de jolies moments des dernières comédies US en date (donc souvent Apatow-related), rien que dans Get him to the greek par exemple le "viol" de Jonah Hill, les ballons de coke dans le cul, tout ce qui touche au cul de Jonah Hill en fait, et bien on est en droit de se demander si cet excès de confiance, cette soudaine envie de sortir du carcan brut de la comédie, amènera à quelque chose de plus visible, moins le cul entre deux chaises, une façon de se laisser aller à grandir et à promouvoir ce qu'on est (ou veut être). Très épuré donc, très naturaliste, Cyrus préférera l'entente cordiale, parfois l'attaque pernicieuse, plutôt que le déroulement d'une fanfare de gags et de situations désespérées. Par ce côté très adulte, appréciable mais sûrement méprisable pour d'autres, Cyrus se forgera une place particulière dans le paysage de la comédie US. Moins par ses traits que par son verbe. Par sa communication excessive comme unique moyen d'exister, d'envisager et de comprendre, et d'essayer un peu, si possible, de coopérer.
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le 16 sept. 2010

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