Comme je l’avais mentionné dans ma critique de World Apartment Horror, j’ai découvert Sabu (de son vrai nom Hiroyuki Tanaka) l’acteur, mais on m’avait conseillé de me pencher surtout sur Sabu le réalisateur.
Pour ce que j’en sais, l’une des particularités de ses films réside dans le fait que ses histoires sont plutôt construites sur des séries de coïncidences et de happenings influençant sur le destin de ses protagonistes, plutôt que sur le schéma inverse, plus classique.
Le résultat, pour un premier film, donne quelque chose de délicieusement déconcertant. Ici, Sabu fait se croiser les chemins de 3 personnages a priori sans liens, non sans nous avoir au préalable fait croire que le récit conserverait un aspect épars. Le fait est que très vite, après une première partie oscillant entre le pathétique et le tragique annoncé, la narration s’accélère au rythme de faits aussi hasardeux qu’absurdes et tisse un canevas de plus en plus étroit entre les protagonistes ; une sorte d’effets papillon qui aurait commencé avant que le spectateur ne puisse en témoigner. Le tout donne une illustration teintée d’éléments tragi-comiques d’un rouleau compresseur existentiel en marche, alors que la course du titre commence.
Et c’est lorsque le rythme s’accélère, et qu’on se demande à la moitié du film comment Tanaka va faire tenir son histoire jusqu’au bout sans s’essouffler, que quelque chose s’installe.
A mi parcours, Dangan Runner se dévoile et montre sa cohérence. Les destins des 3 protagonistes se courant après s’entremêlent et affichent leurs liens de cause à effet, et les voilà tous autant qu’ils sont entrainés dans une course qui passe de la poursuite de l’autre à l’introspection. A mi parcours, les fantasmes, les souvenirs et les rêves des coureurs viennent imprégner le film d’une poésie qu’on n’attendait pas, accompagnés du son d’instruments à cordes, et une sensibilité sur le fil vient apporter une substance au film ; un supplément d’âme.
J’avoue qu’à ce moment là, quand la direction artistique de Sabu se dévoile au gré d’une réalisation plus spontanée et rythmée, de scénettes imaginaires diluées dans un paysage urbain nocturne progressivement installé ; j’avoue qu’il se passe quelque chose. C’est à partir de cette direction du récit que j’ai vraiment adhéré à Dangan Runner, qui m’est apparu pertinent (ce que la fin confirmera), touchant, et attachant.
Après, j’ai conscience que ce ressenti est question de sensibilité personnelle. Disons que Sabu a su atteindre quelque chose en moi.
Dangan Runner est un film court (1H20), jamais à court d’idée, dans lequel on court finalement plus après soi même qu’après l’autre. Une fuite en avant, un regard dans le rétro (ou le miroir, le cas échéant), la poursuite d’un idéal vain, une quête de soi, puis une épiphanie finale, salvatrice, libératrice.
Un très bon premier film.