Avec l’aventure angoissante de cette petite fille chargée de descendre à la cave de l’immeuble, son panier à la main, Svankmajer aborde un de ses thèmes fétiches, l’enfermement ; ici, celui intrinsèque à la condition de l’enfant.
À l’exception de quelques incrustations parfaites, il quitte ici le domaine de l’animation. Pas de stop-motion, mais des objets dissidents et de rares personnages un peu trop débridés et mystérieux. Le film comporte un aspect initiatique malsain, la gamine étant précipitée dans un univers en vase-clos, absurde et menaçant (à tous les degrés, Alice, le premier long, approche). Elle y est harcelée par les éléments, les choses et les vieux adultes : tous semblent vouloir l’aliéner en la retenant à leurs lubies, leur confort sinistre ou leur rationalité étriquée. L’alternative, c’est le vide, celui qui ni apaisant ni agressif n’appelle à rien et peut trouver sa matérialisation dans la besogne : par exemple, en remplissant ce panier.
Cette descente ressemble à une exploration de l’envers sombre de l’enfance, celle vécue comme un petit adulte à l’innocence absente et aux espoirs perdus trop vite. Dans la cave raconte la sensation d’égarement dans un monde impropre, que certains éprouvent, parfois pour l’oublier, parfois très tôt dans la vie. Cette petite fille la connaît, mais elle l’assume, se résigne et fait son devoir. L’ultime séquence, très noire, est d’une profondeur inouïe, exprimant à merveille l’impossibilité de sortir du tunnel du désarroi, sans pour autant perdre ni la dignité ni la lucidité. C’est universel et transgénérationnel. Il vaut mieux que cet état de conscience et ce rapport au monde ne soit pas précoce.
Le voir : http://vk.com/video5061134_164400011
https://zogarok.wordpress.com/2014/01/24/svankamajer-les-courts-suite-et-fin/