Dans un jardin je suis entré par ArthurPorto
Dans un jardin (interdit) je suis entré!
"Mon premier film était sur l'antagonisme, le dernier est sur l'empathie". C'est ainsi qu'Avi Mograbi définit sa démarche quand il parle de ses films. Né du travail qu'il a fait aux Laboratoires d'Aubervilliers, il y était en résidence, où un Israélien et un Palestinien, assis à une table, face à face, échangeaient par Skype interposé. C’était une conversation avec un cinéaste imaginé … en quelque sorte la communication et la distance intransposable entre deux peuples.
C'est à sa façon qu'il raconte cette liberté d'aller et venir de ce peuple entre ses villes, Beyrouth, Tel Aviv, Damas, que la guerre est venue empêcher et détruire. Le monde est à l'ouverture, à la transfrontalière et voilà que "notre champ est plus réduit et que nos voyages sont toujours sans retour".
Avec son professeur d'arabe et ami Ali al-Azhari, un arabe israélien, ils rêvent et nous donnent à voir un "Moyen-Orient où Juifs et Arabes vivraient en harmonie". Ils nous montrent des films en super 8, des vieilles photos, des enregistrements, le vieil annuaire avant l’État d’Israël... "c'est un cadeau, un lien nostalgique avec le pays disparu de tes ancêtres, et des miens", lui dit Ali. Pour nous expliquer ou plutôt pour se dire que face à un monde qui crée des compartiments étanches, Avi, le juif veut nous monter quelqu'un qui est toujours dans le désir d'un monde ouvert, une sorte de rebelle, à travers Ali le Palestinien.
On découvre aussi les origines libanaises de l'auteur, les Juifs du Liban, ainsi qu'une belle correspondance d'amour, lue par une femme, avec une voix saisissante : "Les Palestiniens ont été expulsés d’une géographie, de leur pays. Nous, les juifs arabes, nous avons été déracinés du temps, nous ne pourrons jamais revenir".
Reste Yasmine, une petite fille de dix ans, fille d'Ali et d'une mère juive, parlant arabe et hébreu, vive, espiègle mais qui prend peur quand elle lit sur la pancarte du jardin, à Saffuriyeh, là où son père a été enfant, "parc réservé aux habitants du moshav - formellement interdit aux étrangers".
Il y a toute une dimension qui peut échapper au spectateur qui ne connaît pas ces terres, mais il reste une immense humanité, et l'espoir que d'autres regards puissent contribuer à cette volonté commune d'une reconnaissance et d'une volonté réciproque à voir grandir toutes les Yasmine du Moyen-Orient. Dans ce sens, le cinéma d'Avi Mograbi est éminemment politique.
http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/101013/lengagement-la-maniere-davi-mograbi