Dark Waters par Voracinéphile
Tout d’abord, il convient de remercier chaleureusement le blogueur toma_uberwenig pour cette découverte dantesque, que je n’aurais sans doute jamais découvert sans ses listes inspirées. Dark waters, c’est un revival gothique mêlé d’ambiance austère et pieuse, qui se teinte subtilement d’occulte pour finir dans l’un des plus beaux hommages à Lovecraft jamais fait dans le monde du cinéma. Et le plus beau dans cette aventure, c’est que le réalisateur a fait le choix couillu (et casse tête) de laisser la parole davantage aux décors qu’aux personnages, quitte à emmerder la cohérence. Résultat : on a l’impression qu’il s’agit d’un Suspiria dans l’abbaye du Nom de la Rose. Atmosphère sombre, omni-présence de bougies, pélerinages nocturnes sur les plages en brandissant de grandes croix en feu pendant que les plus déterminées des sœurs du couvent se flagellent… Le film est complètement obscur pendant sa première heure, préférant le dépaysement à la moindre explication. C’est en cela qu’on peut rapprocher le film de Suspiria, puisqu’il propulse notre héroïne au cœur d’un monde isolé (l’île est complètement coupée du monde, sans moyens de communiquer à l’extérieur et au ravitaillement irrégulier, hostile, et chargée de mystère), où la menace est constante, mais invisible. L’introduction plantait le contexte d’un culte païen répandu parmi les sœurs, mais si les séances de prières dans les cavernes sous le couvent provoquent l’inquiétude (un meurtre sanglant), l’incertitude dans laquelle baigne notre héroïne nous laisse toujours en haleine, impatient de voir comment évolue l’histoire tout en profitant pleinement de l’instant présent. Volontiers fantasmé, Dark Waters cherche avant tout à mettre en valeur son ambiance, réduisant les dialogues au strict minimum nécessaire pour comprendre l’histoire et les antécédents familiaux liant Elisabeth à cette île. Pour le reste, elle évoluera dans les décors somptueux du couvent (loin d’un gothique flamboyant, nous sommes plutôt dans l’amour des vieilles pierres, avec les teintes chaudes des bougies qui forment l’essentiel de l’éclairage), toujours à deux doigts de la menace. Plus le film avance, plus les éléments lovecraftiens apparaissent (étranges cris rauques provenant des murs, culte de la Bête, des hallucinations malsaines assaillent notre héroïne), culminant dans un final qui tient ses promesses tout en gagnant une certaine ampleur. La conclusion est classique, presque décevante, mais cette dernière étant relativement courte (2 minutes chrono), on ne lui en tient pas rigueur, trop envoûté par les ambiances que nous venons de traverser. Le film fantastique dans toute sa grandeur, dont la modestie du budget n’empêche pas de livrer au spectateur le spectacle qu’il attendait. Un régal.