Avec "De bon matin", Jean-Marc Moutout continu sur la lancé de "Violence des échanges en milieu tempéré", où il scrutait intelligemment, avec un regard d'entomologiste lucide, les interrogations morales et les choix cornéliens d'un jeune et sensible directeur des ressources humaines, confronté à la violence de sa propre fonction, soumise aux lois du marché et de la rentabilité du monde de l'entreprise, forcément inhumaine si elle veut être efficace.
Il persiste et signe. Cependant, le réalisateur va plus loin dans l'analyse de cette violence en changeant de point de vue. Ici, nous suivons, pas à pas, la destruction lente et subtile de la dignité d'un homme, cadre commercial bancaire, expérimenté et respecté, qui amorce la toute dernière partie de sa carrière.
Le film s'ouvre sur une séquence choc, brutale, ultra violente. Un uppercut en plein visage. Déstabilisant, effrayant et glaçant. D'autant plus quand cet acte de folie pure vient de Jean-Pierre Darroussin...
Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que le réalisateur à du confier le rôle titre à ce très grand acteur, habitué des rôles d'hommes ordinaires, souvent sympathiques et généreux, à qui il donne une dimension tragique ou comique toujours bluffante. C'est donc bien sur ce capital, ce contraste, que le film débute. Et cela nous donne envie d'aller plus loin, de comprendre son geste complètement inimaginable.
Après, le film débute réellement, et le personnage se raconte,son parcours, sa vie, qui peut être la vôtre, la mienne, celle de tout le monde en fait... Pas de narration véritablement linéaire dans la chronologie des événements de sa vie intime et familiale, d'ailleurs toute la structure du film est un flash back parsemé d'autres flash backs. Il s'agit de se souvenir et de se remémorer, ce qui donne une atmosphère particulière au film. Et surtout de comprendre...
Le film est une véritable dénonciation d'un système entier, des méthodes de management en vue d'une restructuration, qui consiste à "pousser" la cible au bord du gouffre, à le briser humainement pour s'en débarrasser...
Point de critique frontale du monde de la banque (je n'y ai pas vu cela), mais critique subtile d'une méthode généralisée dans toutes les grandes et moyennes entreprises (cf à ce qui s'est passé chez Orange entre autre). Le cynisme des décideurs qui se lavent les mains, tout en utilisant des "chefaillons" ou "jeunes loups" ambitieux pour faire le sale boulot. Réaliste. D'ailleurs, Xavier Beauvois et Yannick Rénier sont parfaits de médiocrité assumée pour l'un, louvoyante pour l'autre... A vomir...
Face à eux, Darroussin, nous touche, nous émeut, nous épate... pris dans un piège, dont il tente de trouver l'issue... Ce sera peine perdue. On assiste, impuissant, à la mise à mort d'un taureau dans une arène... comme si l'on accompagnait une marche funèbre (d'où l'utilisation dans les génériques d'extraits d'Etudes au piano de Robert Shumann sur la dites "marche funèbre" de la Symphonie n°3 de Beethoven).
Le film se referme sur une courte scène, tout aussi brutale... logique... Le spectateur est K.O. Bouleversant.

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le 25 juil. 2015

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