Le premier Deadpool fonctionnait grâce à une mise en scène plus maitrisée que d’habitude dans le genre, à Ryan Reynolds faisant un véritable one man show méta d’une sincérité totale (il a porté le projet à bout de bras pendant des années), à une histoire d’amour touchante qui, chose rare, était l’enjeu principal du récit et dans une moindre mesure, un humour irrévérencieux et une violence décomplexée qui dénotait dans les films de super héros. Pour cette suite, on pouvait à la fois espérer qu’elle resterait dans la même veine et craindre une surenchère exacerbée qui détruirait du même coup la « simplicité » du premier opus. Manque de bol, non seulement la surenchère prend le pas sur le reste mais l’âme du premier film n’est plus respectée.
Commençant par 15 min qui donnent un ton éminemment dramatique, le film se retrouve vite le cul entre deux chaises. Comme contraint de donner à son public la dose d’humour qu’il est venu chercher et le parti pris de base (cet aspect plus sérieux), qu’il a posé en amont. L’adéquation entre les deux genres ne fonctionne jamais vraiment et se révèle, en outre, bien inutile. Donnant à l’arrivée un résultat bordélique qui ne raconte rien. Le spectateur se perdant dans une multitude d’intrigues jamais abouties. Le film annonçant dès le début un revenge movies, avant de basculer dans la création d’une team qui laisse penser à une origin story (mais que les scénaristes laisse tomber au bout de 5 min). Puis, survient Cable avec ses propres enjeux qui se raccrochent tant bien que mal à une histoire qui traine clairement en longueur. Le tout essayant de retomber sur ses pattes sans que l’on ne sache vraiment au final ce que Deadpool 2 a bien voulu nous raconter. Un beau bordel tout ça !! Beau bordel, qui a conscience de ses limites vu que Deadpool en personne ne peut s’empêcher au final et en voix off de nous expliquer le message du film.
Mais le pire n’est pas tant que le scenario soit incompréhensible. Mais bien que le style Deadpool soit dévoyé. L’humour politiquement incorrect du premier est ici remplacé par des blagues lourdingues très caca prout. On ne compte plus le nombre de blagues tournant autour de l’anus à la limite du scato. Quant aux blagues métas elles sont attendus, faciles et même redondantes (c’est bon Ryan on a compris que tu reniais Green Lantern et Wolverine). Tirant constamment sur la corde (cette fin in-ter-mi-nable mon dieu), l’aspect comédie fini par tomber à plat à quelques vannes près. En même temps avec 40 punchlines et références à la minute difficile que certaines ne fassent pas mouche. A part quand elles ne sont pas totalement à côté de la plaque (surnommé Cable John Connors alors que c’est le Terminator voir Kyle Reese qui voyage dans le temps ça la fout mal). Cet aspect frondeur qui faisait, sur le papier, tout le sel du personnage et de l’univers est d’ailleurs cloisonné de l’intérieur autant même dire censuré. Ce qui est un contre sens total à l’esprit de base. Et à y regarder de plus près il y a des signes qui ne trompent pas. Le générique de début donnant le ton de ce qui suivra. Si celui-ci (parodie de James Bond) est plutôt fun et que reprendre l’idée de remplacer les noms des acteurs et techniciens par des punchlines est toujours aussi cool (d’autant qu’ils vont cette fois encore plus loin). Impossible de ne pas voir une certaine forme d’hypocrisie quand le seul nom qui n’est pas détourné est celui du studio Marvel. Un peu comme quand un employé n’hésite pas à tacler ses collègues et concurrents, à ouvrir sa grande gueule à la moindre occasion mais se débine en baissant son froc dès que le grand patron débarque. Quand on sait que le studio a refusé certaines blagues on ne peut s’empêcher de se dire que Deadpool 2 n’est peut-être pas le fleuron de l’impertinence comme certains le prétendent.
En termes d’action, le premier opus se basait principalement sur UNE grosse séquence judicieusement découpée dans une construction narrative non linéaire qui apportait une rythmique propre à l’esprit décomplexé du projet. Ici, la surabondance de scènes d’action placées basiquement au saint d’un scenario insipide fait de Deadpool 2 un produit standard qui se rapproche de plus en plus des autres films Marvel. Triste constat quand on sait que la spécificité de Deadpool était justement d’être une alternative aux autres super héros movies. En outre ces séquences, certes suffisamment divertissantes pour faire la blague et même par instant inventives, sont desservies par des effets spéciaux hideux. De plus, les personnages n’étant soit pas développés (Cable est quand même un peu fadasse), soit laissés sur le bord de la route (Negasonic Teenage Warhead n’apparait que 5 min) soit inutiles (sa nouvelle girlfriend ne sert à rien du tout) difficile de s’attacher à eux et d’être impliqué émotionnellement dans le film. Surtout quand les protagonistes principaux sont eux aussi mal écrits et que leur arc narratif sont si mal exploités. (Pourquoi fallait-il que quelqu’un meurt pour que Deadpool change ?)
Ceci étant dit, Deadpool 2 propose quelques petites choses satisfaisantes. Domino et son super pouvoir de la chance n’est pas trop mal utilisé, des plans sont bien troussés et le choix de certaines musiques est judicieux. Comme le fait d’avoir utilisé une des chansons de la mythique comédie musicale Annie (qui raconte l’histoire d’une orpheline qui se cherche une famille) lors d’une séquence qui parle de cette thématique. C’est peu, c’est bref, ça parait même anecdotique mais ça a le mérite d’être présent. Malgré tout, on aura beau se raccrocher à des branches guère solides il n’en demeure pas moins que cette suite reste une déception et se fait se questionner sur le potentiel de la franchise.