Deadstream est un petit film qui fait vraiment plaisir à voir ne serait ce que pour la façon avec laquelle il s'approprie entre intelligence et malice tous les codes usés jusqu'à la corde du found footage pour les redynamiser dans un film en forme d'attraction de fête foraine qui parvient autant à faire rire qu'à faire flipper. Après avoir atteint assez vite mon seuil de saturation face à cette forme de narration mécanique, je dois reconnaître que Deadstream me réjouit au plus haut point et se classe parmi ce que le found footage nous a offert de mieux depuis très longtemps.

Dans Deadstream nous allons donc suivre un pur produit d'internet, un type qui vit de sa communauté de fans et de ses sponsors en se lançant des défis débiles, stupides et dangereux qu'il filme afin d’affronter ses peurs. Après avoir été banni durant un temps, Shawn orchestre son grand retour en affrontant en livestream sa plus grande peur, celle des esprits et des fantômes. Il part donc s'enfermer seul durant une nuit dans une maison hantée avec l'obligation d'y rester et de toujours affronter les événements surnaturels qu'il détecte.

Deadstream est un film extrêmement malin puisque d'emblée il dynamite la structure du found footage et de ses codes en démultipliant les points de vues. Bonne nouvelle donc, nous allons échapper au film en vue subjective et en temps réel d'un type qui explore longuement avec une caméra infrarouge des couloirs vides. Dès le départ le personnage installe de nombreuses caméras de surveillance et en porte plusieurs sur lui permettant un montage dynamique et très cinématographique même si il ne colle pas parfaitement avec la grammaire habituelle du found footage. Le film s'amuse donc des codes en introduisant même de la musique puisque Shawn se trimballe avec un magnétophone et une compilation de musique inquiétante intitulé Shawn Carpenter qu'il enclenche parfois pour dramatiser son récit. Ce même récit est également dynamiser par des vidéos externes que le personnage lance régulièrement pour expliciter son récit, nourrir la mythologie de la maison hantée ou écouter les conseils des fans qui regardent en direct. Et même si l'on retrouve tous les artifices et trucs d'un found footage basique (vue subjective, shakycam, plans fixes, confessions face caméra) les deux réalisateurs Joseph et Vanessa Winter nous propose une action toujours parfaitement lisible et foutrement efficace. Durant toute la première partie l'ambiance sera assez posée quelque part entre Le Projet Blair Witch, l'urbex et les émissions paranormales. Durant ce temps Joseph et Vanessa Winter parviennent à installer toute la mythologie du lieu, la topographie de l'endroit exploré dans ces recoins les plus inquiétants et les contradictions du personnage à la fois en quête de rédemption et prêt à tout pour un like supplémentaire. L'ambiance est assez oppressante, le décor est formidable et le personnage s'impose d'emblée comme la plus barbu et la plus drôle de toute l'histoire des Scream Queens.

A mi parcours le film opère un virage à 180° sans pour autant renier ses principes de mise en scène. Alors que l'immense majorité des found footage joue sur l'invisible et une lente montée crescendo de tension Deadstream choisit de bifurquer vers l'horreur grandiloquente, spectaculaire, un brin cartoonesque avec une évidente inspiration puisée dans le Evil Dead de Sam Raimi. Et même si bien sûr la comparaison ne pourra jamais être en faveur de Joseph et Vanessa Winter, que ça fait plaisir de retrouver cet esprit entre terreur et humour avec en plus de bons vieux effets et maquillages à l'ancienne, certes perfectibles mais au combien organiques. Le récit monte en puissance et en vitesse, les apparitions grotesques et effrayantes se multiplient et le film gagne en impact ce qu'il sacrifie peut être un peu en ambiance, mais encore une fois que ce trip au pays de l'horreur est réjouissant et surtout combien il est agréable de passer en quelques secondes d'un sursaut d'effroi à un franc sourire.

Et si cela ne suffisait pas encore le film est franchement plutôt bien écrit. Tout le sous texte sur ces youtubers, influenceurs perpétuellement en quête de notoriété quitte à faire n'importe quoi sonne juste et fort. Quant aux commentaires de fans qui suivent derrière leur écran en poussant à toujours en faire plus, en accusant perpétuellement incrédules de tricher et bidouiller les images ou en souhaitant cyniquement la mort de leur idole ne sont que le triste reflet de ce que devienne les réseaux sociaux, une foire au sensationnalisme de l'instant. Joseph Winter est à la fois réalisateur, scénariste et acteur et il incarne donc avec beaucoup de réussite le personnage de Shawn . Quasiment toujours présent à l'écran le comédien joue avec délectation un trouillard qui hurle comme une scream queen de série Z et une victime qui s'en prend régulièrement plein la gueule. L'acteur réalise quasiment un sans faute avec un personnage finalement assez ambiguë pour lequel on éprouvera parfois de l'affection et à d'autre une forme de mépris.

Tourné en plein confinement avec une équipe réduite ce DeadStream est pour moi un petit coup de cœur et une véritable réussite. Je me suis tellement emmerder et agacer devant des kilomètres de found footage insipides tournés avec les pieds que je ne vais pas bouder mon plaisir devant un film maîtrisé, intelligent, généreux, drôle, fun et même parfois franchement inquiétant.

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le 1 nov. 2022

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Freddy K

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