Deja que las luces se alejen
Fiche technique
Synopsis : Rapa vit seul depuis des années dans une cabane perdue dans la montagne, au milieu de la forêt. Javier Favot, ami d’adolescence, passe des mois à filmer, seul, la vie sauvage de Rapa. Une attention intensifiée s’allume au frottement de ces deux solitudes. Attention, d’abord, aux objets, matières et gestes du quotidien, exhaussés par des plans dont la picturalité décadrée traque la beauté dans le détail. Attention ensuite à l’étoffe du présent, du temps qui passe, puis ne passe plus, bloqué par la remontée du souvenir. Dans le sillage de son ami, le cinéaste fait une expérience anti-proustienne : ce qui s’éprouve n’est pas la résurrection du passé à la faveur des sensations qui le rappellent, mais le retour d’un temps perdu qui vient hanter le présent, affecter et changer la perception solitaire du monde. Le creuset de cette expérience est une photographie : le portrait de groupe d’une bande d’amis sur le seuil d’une maison. Bonheur partagé, paradis perdu dont l’image fixe sécrète un charme qui entraîne le film dans une dérive nocturne zébrée d’apparitions : un cheval borgne, un incendie dans la montagne, l’atmosphere de Joy Division non comme musique du paradis, mais comme bande-son de sa perte. « Don’t walk away in silence », chante Ian Curtis. Si la bande-image du bonheur finit par revenir, l’éclat silencieux des sourires et des regards n’annonce aucune retrouvaille. Let the lights move away, le conseil est à double sens : accepte la face nocturne du présent, laisse s’éloigner les lueurs du temps perdu. (C.N.)