Jean-Marc Vallée a cette capacité de représenter à l'écran des personnages bouleversants : Jared Leto dans Dallas Buyers Club, Reese Witherspoon dans Wild et aujourd'hui Jake Gyllenhaal et la révélation Judah Lewis dans Démolition. Ils participent activement à la réussite des films par la subtilité de leur jeu et la profondeur de leurs personnages qui ne sont stéréotypés qu'en apparence et se révèlent avec l'avancée du récit.


Car c'est finalement le tour de force de Vallée, parvenir à partir d'un concept vu et revu, de thématiques vues et revues, à créer une oeuvre singulière et réussie.Ici, la mort de la femme de notre protagoniste est une véritable révélation : jusque lors enfermé dans une réussite amère et routinière, il s'en échappe violemment, via l'indifférence -ambiguïté savamment entretenue par sa posture- puis la démolition d'objets et d'endroits divers et variés.


Sa démolition est en effet à la fois une manière personnelle de se reconstruire mais aussi la désacralisation, la déconstruction littérale et symbolique du succès à l'américaine.




  • That's the kind of house people dream of living in - I hate this house



Sa rencontre avec Naomi Watts - qui parvient à faire oublier ses dernières performances immondes, telle que le biopic de Lady Di - est ambivalente. Des liens forts se créent par le dévoilement total du protagoniste à travers ses lettres, écrites dans un but tant introspectif que thérapeutique, mais qui trouvent par la force du destin un véritable récipiendaire. Mais ce film n'est pas - contrairement à ce que laissait présager la BA - une comédie romantique, où du moins pas dans son sens original : leur relation n'est ni vraiment romantique, ni véritablement amicale, et ne constitue en tout cas pas la préoccupation principale de l'oeuvre.


La quête de repères est en revanche un élément central, et la performance bluffante du jeune Judah Lewis est là pour nous le rappeler. Alors qu'il aurait pu être l'ado rebelle habituel, son personnage - grâce à l'écriture et son interprétation magnifique - s'impose devant Naomi Watts et devient le "focus" de toute la deuxième partie du film (que je ne spoilerai pas ici). Sa relation avec Gyllenhaal sonne vraie : elle est touchante parce qu'honnête et dépasse le côté beau-père/enfant, moins intéressante et que le récit aurait pu trop facilement dépeindre.


Le travail de Vallée sur la photographie est admirable, entre l'ambiance glacée de la fameuse maison et la retranscription esthétique de la métamorphose de notre 'désormais' héros - notamment par les différents plans de foule à Manhattan-, il s'impose encore plus, après l'excellent Dallas Buyers Club, comme l'un des réalisateurs les plus talentueux de ces dernières années. Et que dire de la musique, pot-pourri singulier reprenant Heart ou Aznavour, qui complète avec réussite l'ambiance si particulière de ce qui nous est projeté ?


Attention, le film n'est pas exempt de défauts. Les plus critiques verront un mélange entre drame et comédie qui par moment ne fonctionne pas, ou encore une fin de film un peu trop classique et attendue, mais si vous cherchez une œuvre à la fois esthétiquement maîtrisée et qui fait véritablement réfléchir, allez le voir, vous ne le regretterez pas.

Arthur_Dupuy
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le 6 avr. 2016

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Arthur_Dupuy

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