Indécidables frontières
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le 9 nov. 2016
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DERNIERES NOUVELLES DU COSMOS (15,3) (Julie Bertuccelli, FRA, 2016, 85min) :
Sens-ationnel documentaire suivant le parcours créatif d’Hélène jeune femme de trente ans victime d’autisme, auteure de texte poétique visionnaire rédiger dans sa bulle pour raconter notre monde dont elle fait partie comme un « lot mal calibré, ne rentrant nulle part ». La brillante réalisatrice française Julie Bertuccelli découverte en 2003 avec le remarquable Depuis qu’Otar est parti… (Grand Prix de la semaine de la critique Cannes 2003 et César 2004 du premier film), confirmant avec le bouleversant L’Arbre et le bienveillant La cour de Babel revient avec un documentaire pour nous offrir un portrait d’une artiste pour continuer de décliner sa galerie de personnages cherchant leur place singulière dans notre monde complexe. Dès sa première scène la réalisatrice avec justesse, choisit de nous présenter tout d’abord une jeune femme malhabile avec les mouvements de son corps lors d’une marche en pleine forêt affublée simplement d’une grosse bouée en plastique autour de la taille. On découvre donc Hélène dans un premier temps comme une simple enveloppe charnelle souriante, joviale, taquine mais dont on perçoit petit à petit ses difficultés à communiquer avec les autres. Puis petit à petit on découvre son émoi intérieur, elle ne sait pas parler, nie lire et ni écrire stylo à la main mais conçoit par un moyen artisanal ingénieux des textes complexes tout droit sortis de son cerveau intersidéral. Car oui comme son titre l’indique, ce documentaire nous plonge dans un autre Univers une plongée singulière dans le monde de l’autisme de la jeune femme qui nous emmène vers des territoires infinis rarement explorés ainsi par le cinéma. Avec tendresse la mise en scène s’intéresse à la vie quotidienne de cette jeune femme et dresse le portrait d’une véritable artiste au travail créatif impressionnant (étant donné qu’elle n’a jamais fait d’étude) diagnostiquée à 8 ans autiste « gravement déficitaire », puis placée dans une institution spécialisée ou la petite fille se repliera sur elle-même. Par amour pour Hélène, sa maman quitte son emploi et consacre tout son temps à la jeune fille et trouve une porte d’accès mentale vers l’âge de 20 ans permettant à sa fille de communiquer en écrivant des phrases à l’aide de lettres de l’alphabet plastifiées, prédécoupées en carré et disposées dans un ingénieux casier fabriqué artisanalement exprès pour ce mode de communication. La cinéaste nous fait découvrir une auteure à l’intelligence non artificielle composant des textes d’une puissance poétique sidérants de complexité et de profondeur d’esprit. A tel point qu’un metteur en scène de théâtre Pierre Meunier, impressionné par la puissance et la démesure du roman Algorithme éponyme publié en 2013 par la poétesse « Babouillec » (nom d’artiste d’Hélène) décide même de transposer l’ouvrage inclassable dans un spectacle intitulé Forbidden to sporgessi qui sera sélectionné au festival d’Avignon. Outre les moments de création certaines fois un peu frustrants par le dispositif de communication et certaines phrases dont on ne peut qu’envisager un hypothétique sens, la cinéaste par des mouvements de caméra adéquat arrive à nous faire pénétrer régulièrement à l’intérieur de l’âme de cette auteure non dénuée d’humour, rieuse, ne manquant pas de réparties et doté d’une forte personnalité (scène de refus de lecture d’un article d’un journal). Une aventure intérieure au cœur de la psyché des pensées enfouies, une expérience humaine filmée toujours à bonne distance, à la narration linéaire pertinente faisant tomber les murs de notre à priori et de la communication en explorant des nouvelles frontières alors que les moyens de communications submergent constamment nos vies intimes. Venez découvrir un autre monde mystérieux avec l’héroïne Babouillec et prendre ainsi les Dernières nouvelles du cosmos. Fascinant, touchant, drôle et interstellaire.
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Créée
le 10 nov. 2016
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