H.N.

Délaissant de plus en plus la fiction pour le documentaire, la réalisatrice Julie Bertuccelli nous permet aujourd’hui de faire la connaissance d’une personne littéralement extraordinaire : Hélène Nicolas, une autiste de 30 ans – à qui on donnerait volontiers la moitié de son âge – qui ne parle pas, n’a jamais appris à lire ni à écrire et qui pourtant produit, à l’aide des lettres de l’alphabet rangées dans un damier en bois, des textes, des fragments comme des haïkus d’une fulgurance, d’une beauté et d’une profondeur qui dépassent l’entendement.

Longtemps placée dans une structure d’accueil où elle végétait, sinon régressait, la jeune fille réintégra ensuite le domicile de sa mère qui entreprit un long, patient et efficace parcours de décloisonnement, d’écoute du corps aboutissant aux écrits qui révèlent du coup une intelligence exceptionnelle, inexplicable comme en effet venue d’une autre planète, quelque part dans le cosmos. On sent en permanence l’attachement, presque la fascination, de la réalisatrice de La Cour de Babel pour Hélène au regard malicieux et expressif. Elle n’est jamais regardée comme un singe savant, même si elle ne manque pas de susciter aussi bien la curiosité, l’étonnement qu’une réelle attractivité. Car elle nous place dans un espace où nous perdons nos repères habituels de communication (la parole et le toucher) en entrevoyant un univers secret, mystérieux et donc envoûtant. Si toutefois la transcription théâtrale des textes d’Hélène peut paraitre très conceptuelle et d’un intellectualisme affecté, d’autres séquences comme l’échange avec le mathématicien sont renversantes. Le mystère en devient bouleversant et on se perd jusqu’au vertige dans le regard énigmatique d’Hélène Nicolas. Une rencontre singulière et chaleureuse.