Un film assez méconnu de Fassbinder, qui pourtant recèle des qualités indiscutables au niveau de la forme et du fond. Dans l’Allemagne du nazisme émergeant, un homme au nom double (Hermann Hermann), ce qui annonce d’emblée le sujet, va se livrer à une machination qui lui semble parfaite pour toucher une prime d’assurance. Voilà pour le semblant, l’essentiel se trouvant dans un parallèle subtil entre cet homme qui se cherche et le nazisme qui en fait de même et va bientôt arriver au pouvoir. La réflexion porte aussi (et bien évidemment) sur le sexe à travers les liens pour le moins ambigus entretenus par Hermann et sa femme, la callipyge Andrea Ferréol qui passe son temps à tromper son mari avec un amant stupide, à se montrer nue et à ne rien comprendre à ce qui se passe… Disons très vite, tant c’est toujours une évidence, que la réalisation et la direction d’acteurs de Fassbinder sont irréprochables. Sa recherche sur les couleurs, une fois de plus, est magique et je n’en rapporterai qu’un exemple, celui de ce mauve particulier symbolisant tout à la fois (et de manière évidente) un certain chocolat et, tout à la fin (et de manière tout aussi évidente mais encore fallait-il y penser !) les apparats de l’église… Dick Bogarde est très juste dans ce rôle de torturé qui lui va comme un gant et où il peut développer la richesse expressive et pudique de sa palette de comédien. Le début est lent, comme pour nous faire entrer doucement dans cette histoire complexe (adaptée d’un roman) puis s’accélère au rythme de la pensée de Hermann. C’est en voyant les chemises brunes saccager un commerce tenu par des juifs qu’il va démarrer son intrigue, jusqu’à le faire plonger au cœur de la folie. La quête de lui-même le mènera à la plus grande erreur humaine possible, à savoir ne pas se reconnaître sous les traits du bourreau et se prétendre victime. Cette identification erronée (qui ne fonctionne qu’à ses yeux tant il est évident pour tout le monde qu’elle n’est pas crédible) est porteuse d’un message terrible, que chacun d’entre nous peut prendre à son compte.