Ce film de Jean Becker a le mérite de remettre quelques bonnes vérités en place, ne serait-ce qu'en offrant de la vie d'un un rat des villes et d'un rat des champs une vision juste et une morale salutaire. Entre un peintre et un jardinier qui se retrouvent après avoir partagé, jadis, les 400 coups de l'enfance, s'instaure un dialogue savoureux où le bon sens sort triomphant et l'amitié confortée . Un vrai bain de jouvence que la dernière partie du film ternit un peu. Dommage !
Un peintre lassé des aléas de la vie parisienne s'en retourne vivre dans sa province d'origine au coeur de la France profonde, ce qui est l'occasion pour lui de renouveler ses thèmes d'inspiration et de remettre en question son style de vie. D'autant que le jardinier, auquel il a recours pour cultiver son potager, n'est autre qu'un ami de jeunesse qui, après avoir été cheminot, s'est reconverti dans le jardinage par goût personnel. Rencontre entre deux cultures, deux vocations, celle de la terre et celle de l'art, entre deux modes d'existence.
Tandis que l'un a été victime de pas mal de revers et de déboires, l'autre a su se protéger et vivre des jours lumineux et simples en offrant aux autres ce qu'il avait cultivé avec humilité. Aussi le peintre, en rupture d'illusion, s'émerveille-t-il du regard empli de sagesse et de lucidité que cet ancien complice de la communale pose sur le monde. Nulle aigreur, nulle jalousie ne viennent fausser son jugement qui frappe par son bon sens, l'unique critère auquel il se réfère en toutes occasions.
L'auteur des Enfants du Marais a adapté pour l'écran un roman d'Henri Cueco, dont le jardinier-philosophe était le héros principal, dispensant au fil des pages et des dialogues une belle leçon de vie. Jean Becker, pour l'occasion, a voulu amplifier, face à lui, le rôle du peintre en vogue revenu des déceptions causées par une existence trop superficielle et mondaine et qui, ayant passé le cap de la cinquantaine, s'interroge sur son art et sur sa carrière.
Il a apporté également un soin particulier au traitement de l'image et de la lumière. Les paysages sont très présents, non seulement pour activer la mémoire et favoriser l'inspiration, mais pour redonner à la vie du peintre les couleurs qu'elle semble avoir perdues. C'est par ailleurs dans les dialogues eux-mêmes, qui font écho au décor champêtre, que réside la part la plus intéressante du film, dont le scénario reste conventionnel et les personnages secondaires peu consistants. Néanmoins, cette douceur de vivre suffit-elle à nous convaincre qu'elle peut à elle seule redonner au peintre le goût de lui-même et ré-orienter sa carrière d'artiste ? Sans doute non, mais il n'empêche que le film distille une fraîcheur revigorante, que les diverses scènes sont amenées avec délicatesse et que le cinéaste procède habilement par touches légères, feuilletant devant nos yeux un plaisant catalogue de peintures impressionnistes. Un bon moment qui nous propose un regard ragaillardi sur les choses. {1]