Jean Pierre Bacri nous a quitté. Et bizarrement au lieu de revoir un des films du tandem Bacri/Jaoui (souvent géniaux, y a même dedans un de mes film préféré de tous les temps) j'avais envie de revoir Didier, un film prétexte à faire jouer Alain Chabat dans le rôle d'un chien pendant une heure et demi.
Nous sommes en 1997 et s'ouvre l'ère malheureuse du cinéma comique français, celle de l'époque des comiques réalisateurs. En gros, tous les comiques un peu connus de la télé se lancent dans la réalisation de film : Dany Boon, les Inconnus, Jean Marie Bigard, Gerard Jugnot, les ex-Robins des bois (Pef, Maurice Barthélemy) etc.... Les ex-membres des Nuls ne sont pas en reste : Dominique Farrugia fera des comédies un peu oubliables (Delphine 1 – Yvan 0 / Trafic d'influence) Chantal Laubie fera UNE comédie romantique slice-of-life assez mignonne (Laisse tes mains sur mes hanches) qui passera complètement inaperçue et Alain Chabat fait Didier.
Et à le revoir, on s'aperçoit que Chabat était vraiment fait pour la réalisation de film de cinéma : il y a un sens du gag, notamment visuel qui était déjà présent chez lui. Si l'intrigue est proche de la comédie quiproquo lambda (grosso-modo un agent sportif voit sa vie changer le jour où Didier, le chien qu'il devait garder devient un humain et celui-ci décide d'en faire un joueur de foot) Chabat bourre le tout d'un certain background, de personnages secondaires colorés (mafieux, skinned débile) et de tout un tas de gags qui passent parfois méga vite (ce moment où lors d'une kermesse des gamines sont en train de danser un truc complètement sexualisé.) Et aussi le tour de force du film est de recréer un match de foot qui n'a jamais eu lieu, avec un habile mélange d'images d'archives, de scènes de foule, de coupages de plans sans rendre le tout illisible. Rien que ça chapeau et ça méritait un César de la première oeuvre.
Après, oui, il y a des choses ratées : Chabat aime un peu trop les trucs cartoons qui marcheront moins que dans Astérix Mission Cleopatre et on a des sons cartoonesques qui font un peu sortir du film. Pareil pour le point "effets spéciaux visible et inutiles" des films français de l'époque pour faire bosser l'industrie française en la matière (avec un morphing qui sort de nulle-part.) Le rythme n'est pas super maitrisé et l'intrigue autour des skinheads se termine sur une baston marrante mais un peu hors-sujet.
Pour le coup, Chabat utilise la formule "je fais jouer les copains" de manière assez légère : les Nuls sont là mais ne font que des caméos (dont un complètement con de Farrugia) et la plupart des acteurs sont pris dans les seconds couteaux du cinéma français comme Lionel Abelanski ou Isabelle Gelinas. C'est même d'ailleurs assez intéressant de voir Zinedine Soualem abonné au rôle du rebeu de service en tant que coach sportif et de voir qu'il s'en sort de façon franchement crédible. Alors, oui, ok, ça fait toujours bizarre rétrospectivement de voir Dieudonné dans les films datant de l'époque où il avait pas flingué sa carrière... mais... haussement d'épaule
Jean Pierre Bacri s'en sort très bien, même si on sent que le rôle a un peu été écrit pour lui : il est ce gars normal, un peu raleur, qui voit arriver quelque chose d'extraordinaire arriver et essaye tant bien que mal de vivre avec. Il rale parfois mais est touchant par certains côté, bref c'est tellement Jean Pierre Bacri qu'il garde son propre prénom durant tout le film.
Par contre, après coup je me suis dit que la copine de Bacri est assez mal écrite. Tout est fait pour qu'il y ai un quiproquo absurde dans lequel elle ferait semblant d'être intéressé par Didier pour faire rager Jean Pierre, mais ça ne fait que renforcer l'idée que les deux n'ont rien à faire ensemble : c'est une parisienne un peu stéréotypée, assez égoïste (elle a dégagée sa coloc parce qu'elle a fait une tentative de suicide) qui est prête à virer son copain en catimini (lorsqu'elle rentre dans son appart à l'improviste pour récupérer ses affaires c'est surement pour le larguer sans avoir à se confronter à lui) et surtout qui n'a AUCUN intérêt pour le métier de son copain (et pourtant elle connait tout ses collègues signe qu'elle les a cotoyé un petit moment.) Pourquoi vous êtes ensemble en fait ?
Ha, et il y a Alain Chabat qui joue le chien. Le film est entièrement créé pour qu'il fasse son cirque et.... ça fonctionne à fond. Il a les mimiques du chien, les aspects du chien voire même la façon d'aboyer des chiens. Le film reste flou sur ses capacités de compréhension des êtres humains .... ce qui est aussi un point de questionnement qu'on se pose face à un vrai chien. La moitié du film repose sur cette prestation absurde et c'est fun. J'aime aussi l'idée qu'il y a un running gag sur le fait qu'il renifle le cul des gens mais que cela soit vu comme des péripéties ayant eu lieu hors-champs (au lieu de faire des scènes qui auraient été un poil... cringe.)
Bref, même si c'est un premier film avec ses erreurs, Didier reste toujours un bon divertissement.