L’éloge du christianisme 2 : le sacrifice.
Lié au Mouchard par son esthétique et son propos, Dieu est mort (dont le titre original, the Fugitive, renvoie encore davantage au film précédent) a tout de la parabole. Dans un pays innomé, l’Eglise est proscrite par un état militaire. Fonda, un prêtre clandestin, oscille entre la fuite et les sacrements que la population terrorisée lui quémande.
L’univers dépeint est résolument sombre : les hommes sont des poivrots, les femmes sont leurs victimes, la corruption fait loi et tout espoir semble avoir déserté le pays. On sent assez vite à quel point le tableau sert le propos sur le salut indispensable et la nécessité d’une foi chrétienne qu’on avait voulu nier. « You wanna kill God and you can’t do it », résume Fonda.
Pour ce faire, celui-ci rejoue la carte expressionniste déjà exploitée dans Le Mouchard : lumières très contrastées, portraits outrés, croix obliques… Fonda, exorbité (et ressemblant curieusement à Francis Huster, le Christ de TF1), ne fait pas dans la dentelle, tout comme les femmes et enfants latinos en mal d’impérialisme chrétien.
On reconnaitra au film la qualité de certaines séquences, inscrites dans la durée et dont la noirceur quant à l’inaboutissement de la quête font mouche : c’est notamment celle de la tentative d’obtenir au marché noir une bouteille de vin pour pouvoir conduire une messe clandestine. C’est aussi la dignité de la femme, qu’on souille dans son corps mais inaccessible dans sa lumineuse grâce.
Pesant dans son didactisme, irritant dans son idéologie (mais là, c’est un point de vue personnel), Dieu est mort n’en atteste pas moins d’un véritable talent de cinéaste, d’autant plus qu’il s’inscrit dans un registre que Ford quittera volontiers par la suite.
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