Dieu me pardonne
Fiche technique
Pays d'origine :
FranceDurée : 08 minRéalisateur :
Mounir FatmiSynopsis : Dieu me pardonne (2004) naît d’un dispositif : fournir des cassettes vierges aux habitants d’une célèbre cité multi-ethnique (le Val-Fourré à Mantes-la-Jolie), qui regardent tous des chaînes de télévisions étrangères reçues par satellite, puis monter les images aléatoires ainsi recueillies. Le résultat produit une immense rumeur visuelle que le montage ne doit surtout pas synthétiser, pas plus que la cité n’harmonise ses habitants. Comme dit Jean-Patrick Lebel dans Notes pour Debussy, essai filmique consacré à une autre cité emblématique des années 60 et 70, La Courneuve, les hommes venus survivre dans de tels lieux, strate par strate historique, ne sont rien d’autre que des « déportés économiques ». En 1966, dans Deux ou trois choses que je sais d’elle, Jean-Luc Godard avait décrit les fondements sociologiques de ce que l’on appelait alors les « Grands ensembles » à la Cité des 4000, où il avait emmené une vedette française, Marina Vlady, un peu à la manière dont Rossellini avait emmené Ingrid Bergman sur l’île des pêcheurs de Stromboli. En 1993, dans Notes pour Debussy, Jean-Patrick Lebel avait ramené la même vedette au même endroit, mais il lui avait donné à dire les paroles de certains des habitants, il avait enregistré et reproduit les discours particuliers de figures diverses et en aucun cas conçues comme représentatives, puisqu’il n’existe pas, dans ces quartiers, de communauté globale qu’un délégué ni même plusieurs pourraient représenter. Entre 2001 et 2004, dans Dieu me pardonne, non seulement il n’existe plus aucun discours représentatif possible, mais il n’existe plus de parole à entendre, Mounir Fatmi décrit l’occupation visuelle des imaginaires, la juxtaposition dispersive d’éloignements mutuels, de paysages déliés, avec juste les repères grammaticaux élémentaires de la symbolique télévisuelle pour traverser l’îlotage mental. Qui dira que les graphic designers de CNN ou de la RAI de Berlusconi sont de grands criminels ? Mounir Fatmi organise les motifs incompatibles qu’on lui a confiés à la manière des fables terroristes d’Alain Declercg : c’est une petite danseuse blonde et rouge, une sorte de Betty Boop (matrice pour toutes les Marylin à venir quels que soient leurs noms), icône hollywoodienne, qui mène la danse de mort chorégraphiée par les médias. Danse d’une double mort simultanée : la mort civile et politique : ce sont les images d’attentats et de guerre ; mort intime et affective : ce sont les films pornos. Propagande pour la peur (contre l’engagement politique), et propagande pour le cul (contre l’investissement amoureux). Entre les années 60 et 2000, les cinéastes et vidéastes ont vérifié l’inexistence totale de ce que les pouvoirs publics avaient nommé de façon délibérément falsificatrice les « Grands ensembles » (Godard) ; ils ont décrit sa transformation en « Cité » (Lebel) ; ils ont enregistré le magma audiovisuel qui les englue dans un milieu d’acculturation et achève de les embaumer là où ils subsistent.