L'impasse spirituelle

Ce film est en quelque sorte un biopic sur un religieux québécois (Frère Marie-Victorin) et la femme (Marcelle Gauvreau) avec laquelle il a entretenu une relation épistolaire de type amoureux, chaste, et, apparemment, sexuellement explicite. Je dis "en quelque sorte un biopic" car c'est une adaptation librement inspirée de cette relation et, par ailleurs, le récit est mis en abîme par l'histoire des deux comédiens jouant le frère et la femme qui, eux aussi, ont une affaire amoureuse en parallèle de leurs personnages.

Je ne connaissais pas l'histoire de ce bonhomme. Je ne suis pas québécois, je ne suis donc pas dans le bain culturel qui me le ferait voir comme une figure importante de l'histoire du Québec. Du reste, ici, le focus semble mis sur Marcelle plutôt que sur lui.

Bref. En dépit d'une mise en scène soigneuse, d'une belle photo et de comédiens qui tiennent la route, j'ai eu du mal à savourer la beauté de cet amour ambigu. Nos deux protagonistes sont tellement perclus de religiosité aveugle qu'ils se perdent dans une approche romantico-philosophique de la chose, donnant le sentiment de toujours passer à côté. Il y a quelque chose de très puéril dans ces spéculations intellectuelles excessives et pleines de poncifs ou de naïvetés. Le sexe les fascine, il en est parlé ouvertement, mais ils n'y touchent pas. Ils semblent interroger l'interdit, le remettre en cause, tenter de le spiritualiser, sans jamais interroger ni remettre en cause le voile épais des croyances antérieures par lesquelles il est rendu néfaste.

À aucun moment ce voile ne tombe; c'est ainsi; on restera dans l'impasse de cet entre-deux.

Enfin, la mise en abîme est presque trop discrète. Quelques scènes nous sortent du biopic pour nous ramener aux deux comédiens, qui eux-mêmes ont donc une relation. Il y a bien entre eux un arc narratif qui trouve une résolution, mais étrangement, il semble plus fictif que l'histoire elle-même. Son importance paraît mineure. Sans doute pour ne pas voler la vedette aux "vrais héros" du film.

Bref, un peu déçu par l'ensemble, mais je ne suis peut-être pas le bon public.