Djamilia est un film documentaire inspiré du roman du même nom écrit en 1958 par Tchinguiz Aïtmatov, originaire du Kirghizistan. Le roman raconte l'histoire de la jeune Djamilia, qui a été mariée avec un homme qu'elle n'aimait pas. Une fois ce dernier parti à la guerre, elle n'attend pas son retour et s'enfuit avec un homme dont elle est tombée amoureuse.
Le film par de ce roman très connu au Kirghizistan. Il s'agit en effet d'un monument de la littérature là-bas et un des premiers ouvrages écrit dans la langue nationale. La réalisatrice Aminatou Echard, équipée de son super 8 va à la rencontre des femmes (et uniquement), afin de recueillir leur opinion sur l'historie de Djamilia et ainsi de raconter aussi leur propre expérience. On se rend alors compte que la société du Kirghizistan est assez difficile pour les femmes. De nombreux mariages forcés à cause de pressions familiales. Des situations où une femme à qui on demande sa main ne peut pas dire non. Ou pire, le fait qu'il soit admis qu'un homme amoureux d'une femme puisse la kidnapper afin d'en faire son épouse.
Mais l'absence de témoignage masculin pointe également une chose étrange. En effet, on ne peut pas accuser les hommes de dicter leur discours aux femmes dans ce film. Et on se rend compte bien rapidement que ce qu'on appelle parfois patriarcat est encouragé et même parfois propagé par les femmes. Que si ce système existe, les femmes en sont victimes mais en sont parfois les complices actives. On se demande alors pourquoi. En effet, pourquoi après avoir été victime, on devient bourreau. L'illustration la plus probante est la situation des belles mères qui sont en règle générale les premières instigatrices de malheur de leurs brus.
Toutefois, dans cette société, on remarque aussi un très bon niveau d'études de toutes ces femmes qui ont souvent un emploi. Elles pourraient être totalement indépendantes. Et c'est d'ailleurs la tendance qui s'annonce plus les femmes interrogées sont jeunes. On sent qu'elles ne sont pas prêtes d'accepter ce que leurs aînées ont subi.
Enfin, la réalisation est étonnante. Le son des témoignages est rarement synchronisé avec l'image, l'emploi du super 8 crée une atmosphère particulière, un peu comme une sorte de songe, doublé par le rythme très lent. Tant et si bien que si le film dure moins de 1h30, il donne l'impression d'être beaucoup plus long. Cette forme en fait un objet vraiment à part. A part mais marquant. Une oeuvre utile pour découvrir un peu la culture d'un pays dont on entend rarement parler, le Kirghizistan.
Film vu dans le cadre du Festival Femmes en cinéma organisé au cinéma Les 3 Luxembourg à Paris.