Il y a 6 ans jour pour jour était publié en France un nouveau roman de Stephen King présenté comme la suite de Shining : Docteur Sleep. Pour moi, il s'agit de son meilleur livre de ces 10 dernières années. Autant vous dire que l'annonce d'une adaptation sur grand écran m'enchantait.
Le projet fut confié par la Warner au talentueux Mike Flanagan, qui s'est fait remarquer depuis déjà un certain temps dans le genre horrifique (The Mirror, Pas un bruit, Before I Wake, la série The Haunting). Au casting, on retrouve Ewan McGregor, Rebecca Ferguson, et l'un des seconds couteaux les plus célèbres d'Hollywood, Cliff Curtis.
L'histoire se déroule plus de 30 ans après les évènements de Shining. Danny Torrance n'a pas très bien tourné, mais heureusement, il va avoir l'occasion de rebondir lorsqu'il atterrit dans une petite ville du New Hampshire. Parallèlement à cela, on apprend l'existence du Nœud Vrai (ou Nœud Véritable), un groupe d'individus qui n'a plus rien d'humain et qui se nourrit des pouvoirs psychiques détenus par les enfants pour vivre éternellement.
Le lien entre ces deux histoires ? Il va se faire par l'intermédiaire d'Abra, une jeune fille qui possède le shining (nom donné au pouvoir dans le film). Elle possède le même pouvoir que Danny, mais à un tout autre niveau. Abra va entrer en contact avec lui, et pendant longtemps ils échangeront au travers d'un mur. Mais le shining de la jeune fille se manifestera lors d'un meurtre sauvage perpétré par les membres du Nœud Vrai, qui en feront leur cible...
Docteur Sleep possède beaucoup de qualités. Sur une durée de 2h30, il parvient à mettre son intrigue en place de manière efficace, sans trop de longueurs (à l'opposé de ça). Le film est fidèle au roman, et en respecte l'esprit : j'ai vraiment eu la sensation de revivre l'histoire que j'avais lue.
Docteur Sleep n'est pas une véritable suite. Il s'agit plutôt d'un élargissement de l'univers introduit dans Shining, qui se limitait à l'Overlook. Ici, on en apprend beaucoup plus sur le shining, et de nouveaux éléments sont introduits (comme l'existence du Nœud Vrai). Ce n'est pas le même type de film (ni de livre) : on est dans un thriller fantastique, pas dans un huis clos horrifique.
Il y a bien sûr des thèmes communs (la famille, l'alcoolisme), mais d'autres apparaissent (l'accompagnement de la fin de vie, l'immortalité).
J'ai beaucoup aimé la relation entre Danny et Abra : comme dans le roman, ils deviennent très proches et on s'attache à eux. D'ailleurs, mention spéciale à la jeune actrice Kyliegh Curran, qui est vraiment très convaincante dans son rôle.
Rebecca Ferguson incarne parfaitement la cruelle Rose, véritable leader du Nœud Vrai. La menace plane dès le début, et la tension ne cessera de monter jusqu'au dénouement.
Je tiens aussi à souligner le très bon job fait sur la bande-son, et notamment sur le design sonore, avec par exemple ces battements de cœur. Il y a un vrai travail d'ambiance, renforcé par la caméra, qui sait se placer.
Le principal problème de Docteur Sleep, c'est que sur la fin il va finir par s'éloigner du roman dans le but de multiplier les clins d’œil au film de Stanley Kubrick. Grand fan de Shining, Mike Flanagan voulait lui rendre hommage... au risque de s'éloigner de son support d'origine.
Et c'est ce qui finit par se produire dans la dernière partie du film.
Alors que jusque-là tout était très bon, le réalisateur nous invente une astuce pour que le final se déroule à l'Overlook. Déjà, on y croit moyen :
Les fantômes sont bien plus proches de quelqu'un comme Rose que des personnes ayant le shining... et dans le livre, l'hôtel est une base du Nœud Vrai !
Puis Danny et Abra débarquent à l'hôtel, et le film décide de bien forcer pour nous faire sentir que Shining est de retour !
Le réalisateur est tellement obnubilé par la volonté de faire du Shining qu'il en oublie son Docteur Sleep. Ainsi, quand Danny crie à Abra de courir, celle-ci préfère faire un footing...
Mais est-ce que c'est ça qu'on attend du film ? Clairement non. Et tant pis pour les fans de Kubrick, un film n'a pas à se détourner pour faire plaisir à quelque groupe que ce soit.
Du coup, j'ai trouvé la fin longue et guère passionnante, alors que dans le livre, l'affrontement final est le sommet de l'histoire !
Pour finir sur les défauts, plusieurs éléments du livre n'apparaissent pas, notamment le lien familial entre Danny et Abra. En outre, Danny survit, alors que là il meurt.
Bref, Mike Flanagan aurait dû s'en tenir au roman et rien qu'au roman. À vouloir multiplier les hommages à Shining, son pari d'équilibriste échoue dans le dernier acte. Mais mis à part ça, le reste du film est encore une fois très bon, ceux qui ont lu le roman ne pourront pas dire le contraire.