Face au manque de fiabilité de son frère bipolaire, le policier Jack Radcliff est en quelque sorte devenu le père de substitution de sa nièce Ashley. Un soir, après avoir reçu un coup de fil alarmant de cette dernière, il se rend chez elle et a la terrible surprise de découvrir les corps d'Ashley et de ses deux parents abattus par un mystérieux tueur. S'en voulant de ne pas avoir pu empêcher cette tragédie, Jack emploie toute son énergie à comprendre le fil des événements quand, inexplicablement, il se met à recevoir à nouveau des appels d'Ashley, celle des jours précédant son meurtre et n'ayant encore aucune idée du triste sort qui l'attend. D'abord déboussolé par ce phénomène temporel étrange, Jack comprend qu'on lui offre l'opportunité de résoudre ce triple meurtre et peut-être même de l'empêcher...
Si vous avez plus ou moins l'impression de connaître cette histoire, rien de plus normal ! "Don't Let Go" fait partie de ces films dont le concept est de s'en approprier d'autres plus anciens et de les remettre au goût du jour avec des acteurs essentiellement afro-américains pour espérer ainsi séduire un nouveau public. Ici, vous aurez évidemment reconnu l'intrigue plus ou moins bien déguisée de "Fréquence Interdite", thriller SF de Gregory Hoblit où un fils tentait d'empêchait la mort de son père en communiquant avec lui grâce à une vieille antenne CB défiant les lois du temps. Les portables ont remplacé la CB, les années entre le meurtre et la prise de contact improbable sont devenus des jours, Jim Caviezel et Dennis Quaid se sont transformés en David Oyelowo et Storm Reid... mais le principe reste fondamentalement le même dans une optique désormais plus moderne et dotée d'une donne familiale différente. On a eu l'occasion de le dire maintes fois, ce procédé de films réactualisant de vieilles idées simplement pour changer la couleur de peau de leurs interprètes est très discutable, voire même irrespectueux de l'intelligence du public auquel ils prétendent s'adresser, surtout lorsqu'ils aboutissent sur des produits commerciaux sans âme et torchés à la va-vite comme les récents "Traffik" et "The Intruder". Cependant, il faut bien reconnaître que "Don't Let Go" n'est clairement pas du même acabit que ces navetons car Jacob Aaron Estes va nous prouver que son long-métrage a des arguments solides pour aborder ce concept avec sérieux et qu'il a l'ambition d'être autre chose qu'un simple "Fréquence Interdite" bis.
Bon, les arguments en question ne seront pas vraiment à chercher sur le fond de l'intrigue : si vous avez l'habitude de ce genre de thriller SF, "Don't Let Go" ne vous époustouflera pas avec les rebondissements émaillant son intrigue policière menée sur deux timelines très proches, on devine en effet très vite vers quels éléments vont se diriger cette enquête et le(s) potentiel(s) coupable(s) est (sont) bien trop rapidement identifiable(s) (avec un droit à l'erreur sur lequel le dénouement ne manquera pas de jouer). Le film n'est pas non plus exempt de facilités pour faire avancer son point de départ improbable (le téléphone d'une victime "oublié" sur la scène du crime par les policiers, sérieusement ?!).
Non, en réalité, c'est plutôt sur son exécution que "Don't Let Go" révèle ses plus belles qualités. D'abord sur la force du lien unissant cette oncle et sa nièce dans ce désordre temporel, l'interprétation on ne peut plus convaincante du duo David Oyelowo/Storm Reid n'y est sans doute pas étrangère mais Jacob Aaron Estes la place également au centre de tout le reste, comme un phare offrant un cœur inattendu à des péripéties pourtant prévisibles. Mieux, lorsque le concept lui permet des variations un peu plus originales, comme cette idée de très court-terme entre les deux époques, il n'aura de cesse de les mettre au service de la densité émotionnelle de cette relation et la rendre toujours plus crédible par la justesse qui s'en dégage. On peut reprocher beaucoup de choses à "Don't Let Go" mais pas de ne pas avoir d'âme grâce à l'attachement qu'il construit savamment entre ses deux personnages principaux et le spectateur. Ensuite, force est de constater que le film est tout simplement bien mené, pourvu d'une ambiance prenante (l'excellent score d'Ethan Gold y participe pleinement) et mis en scène avec une réelle efficacité. L'ensemble est si bien emballé que l'on ne s'y ennuiera pour ainsi dire jamais, Jacob Aaron Estes réussissant même parfois l'exploit de nous faire oublier que l'on connaît déjà à peu près tout de ce qu'il est en train de raconter.
Bref, malgré son statut de recyclage opportuniste encombrant, "Don't Let Go" est un représentant honnête dans la catégorie "sympathiques petits thrillers SF". Les spectateurs qui découvriront ce type d'histoire par son intermédiaire adoreront sûrement pendant que les plus expérimentés du genre ne passeront pas un moment désagréable. Déjà pas si mal en soi.