Alors que Jim s'apprête à passer le cap de la trentaine, son meilleur pote d'enfance Alex se donne pour mission de lui faire perdre enfin sa virginité. Dans un bar, les deux amis font la connaissance de deux sœurs, Kitty et Lulu, qui acceptent un rendez-vous le soir de l'anniversaire de Jim. Problème, les deux femmes sont en réalité celles que les médias ont surnommé "Les Mangeuses d'hommes", des tueuses qui assassinent leurs prétendants afin d'effectuer un étrange rituel...
Hormis le but recherché par les deux sœurs (révélé également assez tôt), point de grand mystère ici, leur soif de sang nous est rapidement dévoilée lors d'une scène d'ouverture où leur précédent "double date" ne se termine pas du tout de la manière souhaitée par les deux hommes ramenés chez elles. Face à une relation dominante (Kitty)/dominé (Lulu) chez ces tueuses, le film nous présente ensuite leurs miroirs masculins et donc futurs cibles.
Comme Lulu de moins en moins en osmose avec les actes meurtriers de sa soeur, Jim cherche lui aussi à s'extirper de sa condition de puceau maladroit le rendant différent pour aspirer à la normalité. Comme Kitty qui se pare d'un masque d'ultra-féminité afin de cacher ses secrets et séduire ses victimes, Alex se vend comme un modèle de virilité, un dragueur invétéré dans le but de cacher ses failles...
Évidemment, ces deux sœurs qui massacrent tous ces hommes ne les voyant que comme de la chair fraîche pour satisfaire leurs bas instincts peut se voir comme un uppercut féministe extrême mais "Double Date" va se montrer bien plus subtil que ça car les contours définissant ces personnages ne seront pas présentées ici comme venant d'eux mais de facteurs extérieurs et plus particulièrement de leurs cercles familiaux.
Pendant la fameuse nuit du rendez-vous du quatuor, chacun d'eux va être en effet confronter à leurs modèles parentaux. Pourquoi Jim est un trentenaire gauche et toujours vierge ? Il suffira de voir le malaise (hilarant) que provoquera une certaine fête d'anniversaire. Pourquoi Alex adopte-il un tel comportement envers les femmes ? On le comprendra sans mal avec l'apparition d'un certain personnage incarné par Dexter Fletcher (oui, le réalisateur de "Eddie the Eagle" et "Rocketman). Et, enfin, pourquoi Kitty a-t-elle entraîné sa sœur dans un tel déferlement de violence ? Les apparences de son "combat" se veulent féministes mais ce qui se cache derrière ne relève-t-il pas encore une fois de plus d'une influence masculine ?
En fait, les extrémités féministes et machistes que représentent respectivement Kitty et Alex ne sont pas leurs véritables natures, ce ne sont que des apparences biaisées qui vont obligatoirement les amener à une guerre des sexes mais pour les mauvaises raisons. En ce sens, la partie qui leur sera consacrée dans le dernier acte traduira un combat stérile entre les deux camps, reposant sur des bases tronquées ne pouvant déboucher que sur un affrontement gratuit et sans réelle chance d'apporter une victoire à l'un ou l'autre.
À l'opposé, Jim et Lulu ne demanderont qu'à rester eux-mêmes et tenteront d'échapper aux influences extérieures pour devenir bien entendu la voie à suivre véhiculée par le film tout autant que son fil rouge romantique...
Désolé de s'être autant attardé sur la donne symbolique de "Double Date" mais il fallait commencer par là afin de démontrer qu'au-delà des rires, le film de Benjamin Barfoot est bien plus malin dans son propos qu'il n'y parait pour peu que l'on prenne le temps de le décortiquer.
Bien sûr, oui, "Double Date" est une comédie horrifique avant tout n'hésitant pas à faire couler le sang et les bons mots avec une certaine jubilation ! Dans l'optique de nous faire marrer, le film fait plutôt bien son job, surtout lorsqu'il met face-à-face ses quatre personnages à de très bons seconds rôles (le groupe, la fête d'anniversaire gênante dont on parlait plus haut, ...) car, quand il se concentre seulement sur les premiers, il se retrouve condamné à faire rire avec les caricatures qu'il a mis en place pour étayer son discours. Alors, oui, bon nombre de dialogues font mouche, notamment entre Alex et Jim (on saluera l'écriture et le sens de l'absurde typiquement anglais de Danny Morgan également comédien principal) mais les personnages reposent sur de tels stéréotypes pour nous attacher à eux d'une manière à la fois si simple et si facile dès le départ que le film s'enferme de fait dans un déroulement beaucoup trop prévisible quant à leur évolution. Et c'est finalement ce manque cruel de surprises autour de ce quatuor (il aurait peut-être fallu révéler le secret des deux sœurs seulement en bout de course) qui est fatal à "Double Date" pour acquérir ce statut si envié de "comédie horrifique incontournable". Hormis quelques vrais bons passages hilarants et un acte final qui, lui, lâche enfin un peu la bride une fois tous ses pions en place en vue de laisser libre court à la violence, "Double Date" ne demeure qu'un bon moment, un agréable shot d'humour noir qui peut enivrer le temps de son visionnage avant de s'effacer aussi tôt des mémoires.
On peut comprendre aisément le très bon accueil du film dans plusieurs festivals devant un public toujours plus prompt à rire en communion dans ce genre de compétition (il a d'ailleurs remporté l'Octopus d'or au FEFFS). Cela dit, sans cette ambiance, "Double Date" a certes le mérite d'être efficace, malin et d'engendrer pas mal de rires mais il n'en demeure pas moins assez mineur et oubliable passé son générique de fin...