Le premier désir
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DOULEUR ET GLOIRE (Pedro Almodovar, ESP, 2019, 114min) :
Cette lumineuse œuvre cathartique nous offre une flamboyante mise en abyme autobiographique sans tabous. Pedro Almodovar met intimement son âme à nu dans cette éblouissante autofiction qui narre la perdition mentale et corporelle d'un cinéaste dépressif à l'anatomie malade, ne trouvant plus les ressources pour exercer le métier qui le rend si heureux. Le réalisateur livre une sublime mise en scène, où dès la première scène sous la ligne de flottaison intime (dans un liquide amniotique...), le cinéaste nous plonge avec lui dans ses souvenirs d'enfance, lorsque les femmes le dos courbé lavent le linge dans la rivière gorgée de soleil, où sur le dos de sa mère Salvador profite de la ruralité avec l'innocence enfantine, comme quand la vie est encore un long fleuve tranquille...La subtile narration s'appuie sur les nombreux soubresauts intemporels pour habilement féconder le récit du long chemin de traverses, jusqu'au retour au vrai sens de la vie, pour un homme démuni vitalement d'un corps cicatrisé de la soixantaine qui se perd dans des substances illusoires. La mélancolique narration labyrinthique ne cesse de jouer avec les coïncidences heureuses de la vie : une rétrospective remet à l'honneur "Sabor' un film emblématique de sa carrière, un texte personnel joué au théâtre engendre les retrouvailles avec son plus bel amour, un tableau portrait de lui enfant redécouvert...Ces astucieuses coïncidences si filmographiques permettent de nourrir l'émouvante introspection intime. Ils relient de manière décousue mais solide le fil de sa vie, entre l'enfance des années 60 dans la caverne avec sa maman et ses premiers émois envers le maçon dont il s'occupe de lui apprendre à lire, écrire et calculer, son âge adulte pendant la Movida artistique et de ses amours des années 80, jusqu'aux douleurs physiques et angoisses créatrices d'aujourd'hui. Un parcours mémoriel chaotique où la lumière du cinéma irrigue l'instinct de vie, qui évoque le chef-d'œuvre Huit et demi (1963) de Federico Fellini avec une liberté de tons et de couleurs propre à Pedro Almodovar. Cette généreuse œuvre mature très précise s'appuie avec intelligence sur l'incarnation sensible d'Antonio Banderas (dans son plus beau rôle à l'écran), en véritable alter ego du cinéaste à l'écran : de la coupe de cheveux arborée, aux vêtements portés et propres objets et mobiliers utilisés pour interpréter avec émotions ce réalisateur à la source de vie tarie.
Un gracieux long métrage somme qui réveille les émotions et les souvenirs enfouis et permet de retrouver également la touchante Pénélope Cruz, l'adorable Asier Flores (Salvador enfant) et les impeccables Cécilia Roth et Asier Etxeandia notamment, accompagnés par la splendide bande musicale composée par le fidèle Alberto Iglesias.
Venez retrouver la puissance émotionnelle du brillant réalisateur ibérique pour accompagner ce parcours de retour vers la flamme entre Douleur et gloire. Superbe. Doux. Étourdissant. Bouleversant.
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Créée
le 28 avr. 2023
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