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Première incursion dans l’univers de King Hu, pour un film qui a redonné ses lettres de noblesse au wu xia pian trois décennies avant sa renaissance confirmée. Dragon Inn n’y va pas par quatre chemins, et expédie les enjeux narratifs dans une introduction en voix off, faisant très vite comprendre que l’histoire n’est qu’un prétexte. L’arrivée au compte goutte des différents protagonistes, archétypaux et unidimensionnels, va dans ce même sens, préférant mettre l’emphase sur l’iconographie que sur la profondeur, et ce dès leur première apparition dans le champ de la caméra. L'œuvre mise tout sur la forme et évacue le fond d’une manchette bien sentie.


Cette forme, donc, est un patchwork d’influences et d’idées de mise en scène qui fonctionne assez bien. Les décors, le mobilier, les vêtements, entrent dans la chorégraphie des combats de façon facétieuse, rappelant les pirouettes qui définiront le style de Jackie Chan par la suite. Les extérieurs, de rocaille et de soleil levant magnifiés, évoquent le western, dont l’influence spaghetti va jusque dans l’étirement de la tension chère à Leone, à la musique librement inspirée de Morricone. King Hu a déclaré avoir voulu faire un James Bond avec ce film, on le cherche toujours tant c’est la légende de l’ouest américain qui surplombe le métrage. Un film sous influence, qui mêle duels de regards et sauts envolés entre les arbres, répliques mordantes et respirations contemplatives, joignant les spécificités du cinéma oriental à l’ensemble. La boucle est bouclée quand Tarantino cite directement Dragon Inn dans Kill Bill et The Hateful Eight. Quand on vous dit que le septième art ne fonctionne qu’en dialogue avec ce qui l’a précédé.


Le cinéaste a toutefois une patte propre, qui dynamise l’action par des mouvements de caméras qui vont à contresens de celui des personnages, qui augmente la tension avant l’inéluctable fracas via des contre-plongées imposantes, et qui n’hésite pas à invoquer le fantastique pour pallier les impossibilités techniques de l’époque (je pense à ces cuts dans les sauts du vilain eunuque, impossibles à truquer sans rompre la continuité visuelle et donnant l’illusion d’une vitesse frôlant la téléportation).


On peut tout de même reprocher quelques longueurs au film, ainsi qu’une saturation des enregistrements de la bande originale qui fait grincer des dents. Mais il reste une œuvre importante dans l’Histoire du cinéma asiatique, une pièce maîtresse dans la tapisserie du cinéma international, dont l’influence incontestable continue de résonner aujourd’hui. Et si A Touch of Zen est bien l’aboutissement de Dragon Inn, comme le laisse supposer la majorité des avis, je sens que je vais me régaler une fois que je m’y attellerais.



Créée

le 4 juin 2024

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Frakkazak

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