Curieuse et triste évolution que celle de la carrière des frère Coen : tentés par une carrière solo depuis leur dernier film commun en 2018 (La Ballade de Buster Scruggs), Joel nous a gratifié en 2021 d’un Macbeth prétentieux et ultra formaliste, tandis qu’Ethan s’essaie nous livre sa comédie, qui pour le coup ne rompt pas vraiment avec l’univers qu’avait construit la fratrie sur ces 40 dernières années.
Drive-away dolls pourrait ainsi s’apparenter à un pastiche de la filmo des frangins par un étudiant mal dégrossi, maladroit dans ses effets et dénué de subtilité de son écriture. On regarderait le produit fini avec un peu d’embarras, en souhaitant au boutonneux de forger à l’avenir son propre univers tout en affinant sa patte. La réalité est donc bien plus triste, Ethan affichant ici une inspiration en berne, et une assez pathétique tentative de renouer avec ce qui fit la verve d’une époque bien révolue. Les clins d’œil à The Big Lebowski abondent dans cette sorte de road movie lesbien, où un paquet circule dans les mauvaises mains, les méchants déblatèrent (bonjour Fargo) et les coïncidences s’enchaînent paresseusement. Ethan Coen semble mettre sur le compte de la subversion une bonne partie de ses vannes, qui se révéleront simplement vulgaires et poussives, alignant tous les clichés sur l’homosexualité féminine, assortis de la dynamique essorée du couple que tout oppose, entre la délurée qui bouffe tout ce qui bouge et la coincée lisant son livre dans un lit bordé à la perfection.
Le réalisateur et sa compagne, associée à l’écriture, ont probablement pensé que l’idée d’en faire des tonnes allait garantir un pas de côté gagesque et burlesque, comme une bouffée d’air frais dans le paysage trop sage des comédies. C’est sans doute ce qui motive aussi les partis pris visuels, qui lorgnent vers les cartoonesques début de carrière (comme Arizona Junior, par exemple), mais ici d’une laideur sans nom, que ce soit dans les transitions dignes d’un PowerPoint dans un exposé d’un collégien, ou de transitions psychédéliques dans une CGI qui souilleront la vertu des rétines les plus aguerries, avec des pizzas volantes et le massacre en règle du Maggot Brain de Funkadelic. Là aussi, le fantôme des délires sous substance du Dude rode avec désenchantement, et l’on est bien souvent pris de du désir d’absorber les mêmes produits que lui pour échapper à ce que l’écran nous impose.
On notera une idée amusante à travers le caméo de Matt Damon, toujours prêt à rendre service aux potos, dans une remise en question du libéralisme par un sénateur républicain assez amusant. Rien qui justifie pour autant de construire 80 minutes de remplissage autour.
Ethan et Joel semblent avoir compris que l’alchimie ne fonctionne peut-être que dans leur partenariat, puisqu’ils ont annoncé un nouveau projet commun, pour un film parait-il sanglant. La méchanceté sera probablement plus inspirante que cette paresse très oubliable.