Drive-Away Dolls
4.9
Drive-Away Dolls

Film de Ethan Coen (2024)

Curieuse et triste évolution que celle de la carrière des frère Coen : tentés par une carrière solo depuis leur dernier film commun en 2018 (La Ballade de Buster Scruggs), Joel nous a gratifié en 2021 d’un Macbeth prétentieux et ultra formaliste, tandis qu’Ethan s’essaie nous livre sa comédie, qui pour le coup ne rompt pas vraiment avec l’univers qu’avait construit la fratrie sur ces 40 dernières années.


Drive-away dolls pourrait ainsi s’apparenter à un pastiche de la filmo des frangins par un étudiant mal dégrossi, maladroit dans ses effets et dénué de subtilité de son écriture. On regarderait le produit fini avec un peu d’embarras, en souhaitant au boutonneux de forger à l’avenir son propre univers tout en affinant sa patte. La réalité est donc bien plus triste, Ethan affichant ici une inspiration en berne, et une assez pathétique tentative de renouer avec ce qui fit la verve d’une époque bien révolue. Les clins d’œil à The Big Lebowski abondent dans cette sorte de road movie lesbien, où un paquet circule dans les mauvaises mains, les méchants déblatèrent (bonjour Fargo) et les coïncidences s’enchaînent paresseusement. Ethan Coen semble mettre sur le compte de la subversion une bonne partie de ses vannes, qui se révéleront simplement vulgaires et poussives, alignant tous les clichés sur l’homosexualité féminine, assortis de la dynamique essorée du couple que tout oppose, entre la délurée qui bouffe tout ce qui bouge et la coincée lisant son livre dans un lit bordé à la perfection.


Le réalisateur et sa compagne, associée à l’écriture, ont probablement pensé que l’idée d’en faire des tonnes allait garantir un pas de côté gagesque et burlesque, comme une bouffée d’air frais dans le paysage trop sage des comédies. C’est sans doute ce qui motive aussi les partis pris visuels, qui lorgnent vers les cartoonesques début de carrière (comme Arizona Junior, par exemple), mais ici d’une laideur sans nom, que ce soit dans les transitions dignes d’un PowerPoint dans un exposé d’un collégien, ou de transitions psychédéliques dans une CGI qui souilleront la vertu des rétines les plus aguerries, avec des pizzas volantes et le massacre en règle du Maggot Brain de Funkadelic. Là aussi, le fantôme des délires sous substance du Dude rode avec désenchantement, et l’on est bien souvent pris de du désir d’absorber les mêmes produits que lui pour échapper à ce que l’écran nous impose.


On notera une idée amusante à travers le caméo de Matt Damon, toujours prêt à rendre service aux potos, dans une remise en question du libéralisme par un sénateur républicain assez amusant. Rien qui justifie pour autant de construire 80 minutes de remplissage autour.

Ethan et Joel semblent avoir compris que l’alchimie ne fonctionne peut-être que dans leur partenariat, puisqu’ils ont annoncé un nouveau projet commun, pour un film parait-il sanglant. La méchanceté sera probablement plus inspirante que cette paresse très oubliable.

Sergent_Pepper
3
Écrit par

Créée

le 4 avr. 2024

Critique lue 1.6K fois

37 j'aime

3 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

37
3

D'autres avis sur Drive-Away Dolls

Drive-Away Dolls
Sergent_Pepper
3

Les arcanes d’une fin de carrière

Curieuse et triste évolution que celle de la carrière des frère Coen : tentés par une carrière solo depuis leur dernier film commun en 2018 (La Ballade de Buster Scruggs), Joel nous a gratifié en...

le 4 avr. 2024

37 j'aime

3

Drive-Away Dolls
Yoshii
6

Un film du frère Co

Délesté de sa moitié Joël, Ethan le plus réalisateur de la famille Coen remplace son frangin par sa femme, qui participe à l'écriture du scénario et au montage, ce qui donne à Drive- Away Dolls une...

le 1 avr. 2024

23 j'aime

Drive-Away Dolls
Aude_L
2

Pas vibrant, ma soeur.

C'est l'histoire de Timothée Chalamet (ah non pardon, c'est Margaret Qualley) qui part en vadrouille avec sa meilleure pote pour lui apprendre comment devenir "une bonne lesbienne", sous une pluie de...

le 19 mars 2024

13 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53