De la sauce barbecue et du coca

C'est l'histoire d'un Afghan qui met sa vie et son village en péril parce qu'il préfère respecter la dignité humaine au lieu de se plier au diktat des terroristes. C'est une histoire belle, forte... mais ce n'est pas l'histoire que nous raconte Du sang et des larmes.

Peter Berg préfère nous raconter comment un brave soldat américain, sans peur, sans reproche, survit face à une menace terroriste sans visage ni identité pour faire triompher le bien sur le mal. Cette histoire il nous la raconte avec une esthétique de publicité, avec des ralentis et avec des acteurs connus qui pleurent en pensant à leur famille restée au pays. Ce sont des navy seals, la crème de la crème, ils sont tous anciens champions de l'équipe de foot et on nous le rappelle tout le long. Ils sont beaux, ils sont musclés, ils portent super bien les lunettes de soleil et quand ils tirent c'est pour tuer, quand ils font des chutes de plusieurs dizaines de mètres ils rebondissent comme dans un dessin-animé et peuvent encore tuer plus d'impies dans la foulée. Ils ont aussi une propension étonnante à résister aux balles, à ne pas mourir d'hémorragies pourtant fulgurantes. Oui, ces soldats souffrent mais visiblement ce sont les seuls, et cette souffrance reste physique, le sang gicle mais il ne choque plus.
En face les barbus tombent comme des mouches, par dizaine, de façon absurde, à la chaîne sans être mue par le moindre instinct de survie basique. Les talibans s'offrent aux balles américaine, c'est cadeau. Ils tirent comme des pieds, même lorsqu'ils arrosent les américains au lance-roquette, ils n'ont rien à dire, rien à faire, ils sont juste là pour agiter le drapeau de la menace terroriste façon Fox News.

Lorsque notre brave héros croise enfin le chemin du noble Afghan, on est déjà au trois-quart du film. Là, il ne se passe rien, ni complicité, ni lien.... rien. Les personnages n'existent pas, le film n'en fait rien. L'Afghan n'est qu'un rouage mécanique dans un scénario creux, se prenant pourtant très au sérieux. Les terroristes arrivent et l'Afghan tient bon et, au dernier moment, c'est une nouvelle fois l'armée américaine qui sauve la situation. Les yankees repartent, font un petit merci vite fait et ils laissent notre Afghan en plan.... il disparaît du récit aussi vite qu'il est arrivé. Pour conclure son film Berg choisit de nous montrer le brave héros américain soulagé d'avoir été sauvé par ses potes, il nous raconte le difficile sacrifice de cette poignée de militaire. Le sacrifice de l'Afghan en parle-t-on ? Non, tout au plus le film nous laisse supposé qu'il a été sauvé par Team America Fuck Yeah.

Tout est confondant de débilité et de manichéisme du début à la fin, il n'y a même pas d'émotion ou de virtuosité, juste du vide et de l'arrogance, celle de l'abrutis du village fier de lui pour avoir déchiffré le programme télé pour la première fois de sa vie en croyant découvrir la littérature.
Peter Berg est un habitué, ils nous avait déjà fait le coup avec son horrible "Le Royaume" sauf que cette fois-ci il est encore plus premier degré. La seule chose qui fait preuve de recul dans ce film idiot jusqu'à la moelle c'est la caméra, lorsqu'elle fait des travelling arrière... et là aussi, c'est un geste totalement mécanique et sans conséquence.